lundi 4 juin 2012

samedi 4 février 2012

Le texte: édition


Le texte est disponible, chez Paradox...

avec une longue interview par Nataël Moreau, qui révèle les dessous de l'enquête et du road-movie Picard...

commander: http://www.editionsparadox.com/livre/faits-divers reportage France 3 Alpes: http://api.dmcloud.net/player/pubpage/4e709e80f325e11e5f000025/4fbb8b7a16fd3b5cf40001ac/cbe8c20604ad49c0873da7a0ac282945?wmode=direct

Analyse en règle...


une analyse minutieuse du spectacle sur un site rennais... euh, même moi, j'en ai appris des bonnes... des vertes... et des mûres...

sur le site de alter1fo:
http://alter1fo.com/nicolas-bonneau-un-tueur-en-serie-a-ouvert-mythos-32836

Nicolas Bonneau : un tueur en série a ouvert Mythos

Le festival Mythos s’est ouvert ce mardi 12 avril 2011 à Rennes, avec une proposition ambitieuse. Le synopsis était alléchant : Nicolas Bonneau, conteur, part sur les traces d’un tueur en série, bien réel, qui a atrocement tué 7 femmes en Picardie dans les années 80… et qui par le plus grand des hasards, porte le même nom que lui…

L’élément déclencheur
Mais pourquoi donc s’intéresser à cet homme, tueur homonyme du conteur ? Nicolas Bonneau l’explique : « C’était en tournée. Un soir, à l’hôtel. Par réflexe, j’ai allumé la télévision. J’ai pris en cours une émission sur les tueurs en série (le serial-killer est à la mode ces temps-ci), et j’ai vu apparaître la photo d’un tueur qui avait sévi en Picardie dans les années 80, en assassinant des femmes de manière atroce. J’ai vu sa photo. Puis j’ai entendu son nom : Bonneau. Prénom Jacques. Le même nom que moi. La voix off du documentaire martelait son nom sur une musique de suspens : Bonneau ! Mon nom qui résonnait dans la pièce. Je suis resté scotché devant le poste, à la fois dégoûté et fasciné par les crimes commis. Fasciné aussi par ce patronyme partagé, comme si ce nom nous reliait, comme un fil invisible. »
C’est l’élément déclencheur. Le conteur décide alors de s’emparer du sujet, et de s’intéresser, d’ « enquêter sur tout ce qu’il y a autour, les familles, les victimes, questionner la justice et la société. » C’est ce qu’il nous expose dans la première partie du spectacle. On le comprend très vite, son Fait(s) Divers sera donc le récit d’un road movie, celui d’un conteur qui part en Picardie, sur les traces d’un serial killer qui est son homonyme.

Le pouvoir de la parole
Le plateau est quasiment nu. Seuls deux lais tapissés, en quinconce, coupent la perspective. Au fond, une grande tenture, peinte avec des aspérités qui renvoient la lumière. L’espace scénique se partage en plusieurs espaces. La chambre, à Beauvais, sera représentée par un rectangle de lumière sur le sol sur la gauche du plateau. C’est le même lieu qui servira de cellule. La cellule dans laquelle Nicolas Bonneau, le conteur sera enfermé. La délimitation lumineuse n’est plus marquée, pourtant, le rectangle au sol a tellement imprimé nos esprits lors de ses précédentes apparitions, qu’on voit, sans avoir besoin d’y réfléchir, les murs rectangulaires de la cellule. Joli tour de force.
Il est impressionnant de voir à quel point les différents lieux traversés par le personnage prennent une réelle épaisseur simplement par la parole du conteur. Le plateau est nu et pourtant, on voit clairement le bureau et les plantes vertes du chef de la gendarmerie que Nicolas B. a demandé à rencontrer pour faire son enquête. La route de Picardie, sous la pluie et cette biche, les yeux mouillés dans les phares. La salle de la Cour d’Assises, le café de la gare, la chambre de Beauvais, la pièce dans laquelle Jacques Bonneau découpait et brûlait ses victimes. Tout est devant nos yeux. Simplement, par l’évocation de la parole. C’est d’abord là que Nicolas Bonneau est très fort. Il prend certaines fois le temps de décrire les lieux précisément : la chambre, à Beauvais, avec sa tapisserie et son cadre avec un clown, la Cour d’Assises, avec le banc des victimes, la table de l’avocat de la défense, le box des jurés et celui, vitré, de l’accusé… Mais d’autres deviennent simplement immédiatement visibles par la gestuelle du conteur (le comptoir du café où est accoudé l’un des deux badauds du village, la grille de la cellule par laquelle Nicolas Bonneau appelle le brigadier).

Un road movie burlesque
Bien sûr, c’est souvent burlesque, Nicolas Bonneau ayant décidé de nous faire d’abord rire de son histoire et de ne pas trop se prendre au sérieux. Le voyage commence à Beauvais, avec sa place de la gare, son hôtel de la gare, son café de la gare… Une ville de Picardie, morne et entourée de champs de betteraves. Nicolas Bonneau mène l’enquête et rencontre une galerie de personnages, drôles, tordus et croqués avec talent : un gendarme intello, un chroniqueur judiciaire pris de démangeaisons et grand amateur de sordide (quitte parfois à oublier la vérité), un avocat de la défense qui compare la Cour d’Assises avec la catharsis aristotélicienne de la tragédie théâtrale, un commissaire qui soigne ses plantes vertes ou deux piliers de comptoir aux raccourcis faciles. Il faut noter que Nicolas Bonneau est seul sur scène et incarne seul toute cette galerie de personnages, plus drôles que nature. On applaudit déjà les qualités du comédien nécessaires à ces incarnations successives ou concomitantes.
Ce road movie picard se veut donc d’abord burlesque. L’artiste teinte certaines répliques d’humour noir (les deux hommes au café), joue sur un comique gestuel (le chroniqueur judiciaire qui se gratte constamment, le mangeur de cacahouètes du bar ou l’affalement de l’avocat de la défense) ou un comique de situation (le plat du jour unique de Beauvais), mais aussi désarçonne les attentes du spectateur (le brigadier qui cite Bourdieu)… Ce mélange, ce jonglage entre différents ressorts du comique, est aussi renforcé par le mélange des genres.

Le mélange des genres
A plusieurs reprises, Nicolas B. tente le parallèle : « si nous étions dans un polar », « si nous étions dans un thriller » … En découlent alors plusieurs scènes, calquées sur des films de genre, qui font rire par leur détournement des codes. Nicolas B. s’essaie à la filature. Nicolas B. s’essaie à l’interrogatoire des témoins. Nicolas B. s’essaie à attendre une victime dans un ascenseur immobile… On est à la fois dans le rire, et dans le même temps, de vraies interrogations émergent de ces rapprochements. La capture de la proie, de la victime, d’abord imaginée par Nicolas B. fait l’objet d’une comparaison entre différents modus operandi de plusieurs tueurs en série réels. C’est à la fois fascinant et glaçant.
Le fond du plateau, est lui, réservé aux décrochages. A ces moments, où ce n’est plus le parcours, le road movie picard qui est représenté linéairement, mais où la pièce s’épaissit d’autres dimensions. L’intertextualité, d’abord qui confronte la figure de Jacques Bonneau avec celle(s) de Jekyll et Mr Hyde. Derrière ce Fait(s) Divers, Nicolas Bonneau cherche en effet à « comprendre pourquoi quelqu’un (…) passe de l’autre côté de la ligne rouge, pourquoi quelqu’un devient un assassin. Comment est-ce qu’on peut expliquer ça. Est-ce que c’est possible à expliquer, cette chose-là qui est dans la nature humaine ? » Car Nicolas Bonneau, l’homme, le dit : d’autres serial killers portent leur folie sur le visage. Dans le cas de Jacques Bonneau, les limites sont bien moins marquées. L’homme pourrait aisément passer pour un bon père de famille, un notable (le tueur en série est le médecin du village) respectable. Il apparaît alors terriblement proche de nous. Et c’est ce qui intéresse Nicolas Bonneau : qu’est-ce qui fait que cet homme apparemment comme vous et moi, soit passé de l’autre côté, soit devenu un criminel ? C’est finalement là la vraie question posée tout au long de cette pièce.

Un polar qui commence là où les autres s’arrêtent
Nicolas Bonneau, en parlant de son spectacle, aime à rappeler que « c’est un polar qui commence là où tous les autres polars s’arrêtent. » On connaît déjà le coupable. Les crimes sont avérés. C’est donc ce qui se passe après qui intéresse le conteur. Ou plus exactement, ce que cache le fait-divers derrière la fascination et le dégoût qui l’accompagnent, derrière la diversion (merci M. Bourdieu) qu’il apporte. Aussi le personnage rencontre successivement un chroniqueur judiciaire qui a suivi l’affaire, les gendarmes, la justice, mais aussi les piliers de comptoir du café du village, la famille des victimes, celle du tueur… Il s’agit d’interroger, toujours, de trouver des éléments de réponse pour épaissir le sens de ces actes qui nous semblent insensés. Rien de ce qui est humain ne devrait nous être étranger. Plutôt que d’une enquête, finalement, on devrait parler d’une quête. La quête introspective d’un homme qui cherche à comprendre la complexité de l’âme humaine et les détours glaçants que celle-ci peut parfois suivre. Plus qu’un polar, c’est un « polar métaphysique » que nous offre Nicolas B.
Ainsi sont citées certaines phrases de L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mr Hyde, qui viennent résonner avec l’histoire qui nous est racontée. Cet homme, docteur, donc, qui recherche une potion pour comprendre la noirceur de l’âme, et qui, y parvenant, se retrouve du côté du vice et du crime, est-il différent de ce médecin picard qui conserve le sein de ses victimes dans un bocal de formol ? Là encore, qu’est-ce qui a conduit Jacques Bonneau à la folie de ces actes ? Nicolas Bonneau, dans une ambiance sombre et angoissante, nous raconte une autre histoire en introduction, celle d’un rebouteux qui scelle un pacte avec un criminel sans le savoir et se retrouve prisonnier du « mal » . Ces histoires viennent elles aussi interroger, questionner, tenter de « comprendre pourquoi quelqu’un (…) passe de l’autre côté de la ligne rouge » .
La comparaison est aussi établie avec Barbe Bleue, ce personnage de conte qui tua ses sept femmes, et dont le sang versé, tâche la peau de sa huitième femme qui a voulu connaître le secret de l’ogre. Quand Nicolas Bonneau nous raconte cette histoire, il est au fond du plateau, éclairé de telle manière que son ombre devient gigantesque sur la tenture derrière lui et évoque l’ogre du conte. Cette comparaison intervient alors que Jacques Bonneau, dans le spectacle, capture la huitième femme qu’il s’apprête à tuer (qui parviendra à s’enfuir), comme la nouvelle épouse de Barbe-Bleue, qui se trouve elle aussi être la huitième femme de l’ogre. L’évocation du conte est une autre tentative de compréhension du fait-divers. Les mythes et les contes sont un media pour appréhender la complexité de l’âme humaine : tout s’y joue, déjà, de manière fantasmée.

Le documentaire s’épaissit de la fiction
Cette quête de compréhension passe donc par ce palimpseste de textes qui résonnent entre eux. Mais il faut aussi noter que Nicolas Bonneau définit son travail aussi, comme celui d’un documentariste. On connaissait Nicolas Bonneau pour ses spectacles autour du monde social et politique avec Sortie d’Usine et Inventaire 68. Cette fois-ci, en s’attaquant au fait-divers, le conteur part une nouvelle fois de la réalité, de la parole vraie, recueillie au cours d’une enquête bien réelle. Comme ces bandes dessinées, par exemple, qui flirtent elles aussi avec le documentaire (le travail d’Etienne Davodeau en tête, ou celui de Yann Benoît et Hervé Tanquerelle pour la Communauté), la forme du média choisi (ici le théâtre) permet de rendre compte de la réalité différemment. Nicolas Bonneau interpénètre ainsi réalité documentaire et fiction. Le sens est donc complété, épaissi par le recours à l’imaginaire ou à l’intertextualité. C’est une autre vérité documentaire qui nous est présentée par ce biais. Le documentaire ne permettant peut-être pas, à proprement parler, de comprendre la complexité de tels actes, le recours à la fiction permet d’épaissir le sens, de progresser dans la compréhension de l’innommable.
Trouble de la personnalité et passage de la première à la troisième personne
On notera que le texte, écrit par Nicolas Bonneau, en collaboration avec Anne Marcel utilise à la fois « je » et « Nicolas B. » lorsque le conteur parle de ce conteur parti en Picardie qui est lui-même. Les liens entre fiction et documentaire, la confusion entre narrateur et personne réelle sont constamment battus en brèche par ce passage continu de la première à la troisième personne. Cela joue sur la distanciation à la fois recréée et en même temps niée avec le spectateur. On hésite constamment : à quel moment est-on dans la réalité ? Dans le documentaire ? Dans le spectacle ? Nicolas B. dont on parle devant nous existe, et c’est lui, en personne qui nous parle de lui-même à la fois comme s’il était un personnage et à la fois (on imagine) en son nom propre. C’est finalement encore la même chose qui est en jeu. L’appréhension de la réalité ne peut l’être que dans la complexité de la pièce, du spectacle.

La vérité de l’expérience intime
En interview sur Canal B ce mercredi, l’artiste, interrogé sur la réalité des lettres envoyées ou non à Jacques Bonneau, s’écrie : « ce que je raconte est vrai ». Peu importe que les choses passent ou non par la fiction, c’est la réalité de l’expérience intime qui est ici relatée. Comment la fascination au départ éprouvée, se transforme progressivement. Durant 3 ans, l’artiste a en effet collecté la matière de son spectacle. Et cette idée, d’abord excitante et jouissive aboutit sur la nécessité d’en finir avec cette histoire, qui prend progressivement dans sa vie une énorme place. D’autant que, ainsi qu’il l’explique quand Canal B lui demande si Jacques Bonneau a répondu à ses lettres, il est encore « dans l’attente » et que le spectacle pourra encore évoluer en fonction de ce qui lui arrive dans le futur.
Interrogé par France 3 sur le(s) véritable(s) héros de sa pièce, Nicolas Bonneau parlait des familles des victimes et de celle du tueur, devant vivre avec. Tout en s’inquiétant, par ailleurs, qu’un quelconque moment de son spectacle puisse faire passer Jacques Bonneau, le tueur en série, pour un héros. Il n’en est rien. Jacques Bonneau n’est jamais héroïque. Il ne s’agit que de la figure d’un homme qui nous interroge profondément sur la complexité de l’âme humaine. Et cela par le biais de la pièce du conteur. Beau travail, Monsieur Nicolas Bonneau.

Isabelle Chauzit
alter1fo.com, magazine internet d'info locale et culturelle sur Rennes


Un peu de presse à lire...



Nicolas et Jacques Bonneau : conteur et tueur

Fait(s) divers. À la recherche de Jacques B : un spectacle de Nicolas Bonneau, vu au festival d'Avignon à la Manufacture. Un bijou du "off".
Jacques Bonneau, « l’ogre de Picardie » a, dans les années 80-90, tué sept femmes... sept victimes étranglées dont les seins (un par femme) étaient conservés dans du formol.
Nicolas Bonneau n’a pas grand-chose à voir avec Jacques : il n’est ni médecin, ni tueur en série, pas picard non plus, quoique parfois surgelé. Il est conteur, auteur et comédien. C’est un soir, en regardant la télé, un « faites entrer l’accusé » consacré à la Picardie, qu’il a découvert ce Bonneau, nom prononcé par une femme qui lui avait réchappé. Le lendemain, le téléspectateur a eu une idée : faire un spectacle où Bonneau enquêterait sur Bonneau. «Ce serait marrant » se disait le comédien, léger.
Marrant de suivre les traces d’un tueur en série, de se poser aux bars de vieux cafés picards, d’essayer de comprendre ce qu’il ressentait dans les villages dévastés des alentours de Beauvais, face à ses patientes, en rentrant chez lui le soir auprès de sa femme et ses enfants, ou lorsqu’il marquait soigneusement d’un coup de feutre le sein de sa victime, avant de le découper… Ce serait marrant aussi de se jouer, soi, comédien, en train d’enquêter, d’alterner sur le plateau les deux Bonneau, et d’imaginer que Bonneau, l’autre, pourrait, lorsqu’il aurait expié sa peine, se trouver là, dans le public, à se regarder au travers des yeux du comédien.
Ce serait marrant, et troublant… Une superbe performance d’acteur en tous cas, un incroyable talent de conteur et quelques questions : sur la banalité du mal, le fait qui fait « diversion », sur le rôle de l’art : peut-on ainsi faire de la vie d’un meurtrier un spectacle grinçant certes, mais comique avant tout, alors que l’homme est peut être encore enfermé ? Est-ce une double peine ? Ou un hommage qui lui serait rendu pour la matière qu’il aurait mis à disposition d’un comédien désireux de remplir une salle et d’un public voyeuriste ? Cela devient en tous cas un conte rondement et finement mené, un plaisir de spectateur, et sûrement d’acteur. À voir !

Si j’étais debout sur ma tête
(Blog Avignon 2011)
http://sijetaisdeboutsurmatete.blogspot.com/2011/07/nicolas-et-jacques-bonneau-conteur-et.html




Le burlesque voisine avec le monstrueux

La plupart des tueurs en série soignent la mise en scène de leurs crimes. Dans « Fait(s) divers », c’est un comédien, Nicolas Bonneau, qui se met en chasse d’un criminel dont il refait minutieusement le parcours. Retour sur les lieux, rencontres avec les familles des victimes, avec les responsables de l’enquête : le comédien effectue une plongée dans les abysses humaines où le spectaculaire côtoie la métaphysique et le burlesque voisine avec le monstrueux.

Méliméloff
( Avignon 2011)




"Nicolas B à la recherche de Jacques B"

Quand il apprend qu'il porte le même nom qu'un tueur en série, Nicolas Bonneau décide de mener sa propre enquête sur l'assassin : "Nicolas B à la recherche de Jacques B" (une histoire tirée de faits réels, comme on dit). Le voilà donc parti en direction de la Picardie, comme dans un road movie de chez nous, avec l'A10 en guise de route 66. Une fois arrivé, il faut trouver un restaurant ouvert un lundi soir à Bovais (très difficile), prendre une chambre à l'Hôtel de la gare, avant de commencer les investigations sur celui qu'on surnommait l'"ogre de Picardie". 

Musique inquiétante, lumières changeantes qui évoquent tour à tout une sordide chambre d'hôtel, un commissariat éclairé aux néons, ou encore la silhouette du tueur... C'est sûr, ce spectacle donne des frissons. "Nicolas B" dresse le portrait d'un tueur, mais aussi de toute une région sous le choc de découvrir que son médecin de campagne (autrement dit un notable) est en réalité un monstre sanguinaire. Mais Bonneau ne manque pas non plus d'humour, et ses interviews, qu'il joue tout seul comme des dialogues de théâtre, sont savoureuses, en particulier celle du chroniqueur judiciaire pour qui "le fait divers, c'est la nouvelle catharsis" et même, finalement, "l'opium du peuple!".
Nicolas Bonneau se considère avant tout comme un conteur spécialisé dans ce qu'il appelle le "théâtre documentaire" : "tel Raymond Depardon posant sa caméra et regardant les gens vivre, je pose mon cadre, mes personnages, et je les fait vivre avec mon filtre, mon point de vue". Ici, Bonneau alterne journal de bord, interviews, confidences, ou encore adresses au public, avec un talent sans pareil qui fait de son enquête un vrai spectacle vivant, à ne manquer sous aucun prétexte.

Alice Ourliac, La Provence
( Avignon 2011)




Un road movie théâtral aux accents rieurs et inquiétants

Malgré nos réticences au voyeurisme, les faits divers ne cessent de nous fasciner. Car ils réveillent une part enfouie et inconnue de nous-mêmes.
C’est cette étrange fascination que Nicolas Bonneau explore dans Fait(s) divers.
Seul sur scène, ce formidable raconteur d’histoires mène une enquête autour d’une série d’assassinats perpétrés par un médecin picard, Jacques B., au cours des années 1980.
Alternant récit, narration, adresse directe au public, confidence, incarnation de personnages, Nicolas Bonneau nous embarque dans un road movie théâtral aux accents rieurs et inquiétants. Entre ombre et lumière, cette plongée dans l’inconnu laisse à l’âme une entêtante impression de trouble.

Programme du GRAND T



LES DEUX BONNEAU

En résidence au théâtre du NEST pour trois ans, le conteur Nicolas Bonneau jouera son dernier spectacle, Fait(s) Divers (à la recherche de Jacques B.), du 6 au 13 octobre au théâtre en Bois de Thionville.
Entre réalité et imaginaire, entre vérité et mensonge, ce funambule des mots ne s’en laisse pas conter.

En association avec l’équipe du NEST et son directeur, Jean Boillot, depuis la saison 2010/2011, Nicolas Bonneau est tout simplement ravi : « C’est la première fois qu’un Centre Dramatique National fait appel à un conteur, c’est assez singulier, je le vois comme une ouverture à ma profession». C’est pourtant une évidence : qui de mieux qu’un conteur pour un théâtre en bois dont le mur d’enceinte est tagué d’une intention clairement affichée : « Ici on raconte des histoires » ? Alors, pendant une année, Nicolas Bonneau fait des allers retours entre sa Poitou-Charentes natale, Thionville, et la Picardie. « Je passe du temps chez et avec les gens, je les fais parler, je les interroge, bref, je fais du collectage » pour rassembler la matière première des spectacles.
Fait(s) Divers le mène en Picardie, sur les traces d’un médecin bien sous tous rapports, marié, père, respecté et intégré dans la communauté. 7 femmes assassinées en 10 ans. Un tueur en série. Des articles en pages « Faits divers » qui, mis en résonance, retracent le parcours de ce meurtrier. Mais pourquoi en faire le terreau d’un conte ? « C’était en tournée. Un soir, à l’hôtel. Par réflexe, j’ai allumé la télévision. J’ai pris en cours une émission sur les tueurs en série (le serial-killer est à la mode ces temps-ci), et j’ai vu apparaître la photo d’un tueur qui avait sévi en Picardie dans les années 80, en assassinant des femmes de manière atroce. J’ai vu sa photo. Puis j’ai entendu son nom : Bonneau. Prénom Jacques. Le même nom que moi! » Partagé entre dégoût et fascination pour les crimes commis, le conteur regarde l’émission. Mais bien plus, il est fasciné par ce patronyme partagé.
Commence alors un minutieux travail de tissage pour relier tous les fils de l’histoire de cet inconnu à son histoire. De Jacques à Nicolas. Pour tenter de comprendre comment un être humain bascule, comment il devient le sujet d’un fait divers. Et surtout, pourquoi le fait divers nous fascine. « J’ai ma théorie, j’y vois une sorte de catharsis pour purger nos pulsions violentes ». Un serial killer sommeillerait-il en chacun de nous ? Ou pire, dans la salle ? Créé à Rochefort en avril dernier, Fait(s) Divers donne à voir, à imaginer, recrée le « road-movie » du conteur, de ses rencontres avec des juges, des avocats, des policiers à son courrier envoyé à l’autre Bonneau, dans sa cellule, resté jusqu’ici sans réponse. Les proches aussi, des victimes, de l’assassin. Des faits-diversiers du journal local, le maire du village, les habitants dans les cafés, des détenus.
Après le collectage vient l’écriture, avec son équipe, et sa metteur en scène, Anne Marcel. Fait(s) Divers est leur troisième spectacle. Plus ambitieux dans la scénographie, l’éclairage, le son que les deux précédents. Le premier, Sortie d’Usine, évoque les manifs, les syndicats, les ouvriers, les matins difficiles et les coups de gueule, les coups à boire, à partir d’une chaise et d’un néon. Le suivant, Inventaire 68, est le conte à la fois ludique, humain, des événements de la petite et de la grande histoire par ceux qui l’ont vécue. Pour tout décor, un gros pavé auteur duquel joue le conteur.
Car Nicolas Bonneau est aussi comédien et auteur pour le théâtre et les marionnettes. Mais par-dessus tout, il conte. Des histoires de 7 à 10 minutes, comme celle de cette robe de mariée achetée d’occasion après un mariage annulé alors qu’il est étudiant parisien fauché et n’est pas fiancé. La parole coule, facile, les gestes sont simples, évocateurs, la connivence avec le public évidente. « Le conteur a une imprécation sur la vie, les gens. Le récit de vie me plaît par son côté politique car je fais un théâtre populaire que je veux accessible aux gens qui vont rarement au spectacle, et, lorsque j’écris, je pense à mes parents ». Son éducation paysanne et ses études d’histoire associées à sa formation de comédien en font véritablement un conteur. Quelle est la part d’autobiographique, la part d’imaginaire alors?
Toujours sur le fil, dans une démarche où il est à la fois à l’intérieur de l’histoire, à la fois mis en scène, Nicolas Bonneau l’admet : «Je suis un peu un gros menteur en fait, j’ai un côté affabulateur, mythomane. J’aime perdre les gens, j’invente, je fais croire que c’est vrai », comme dans la littérature sud-américaine, où lorsque les choses sont ancrées dans une réalité tangible, l’auteur surprend et sape les codes. Mais « après, on s’en moque que ce soit vrai ou faux, tant que je raconte une bonne histoire ! ». Car finalement, «l’imprégnation de moi-même pour raconter, c’est ma façon d’y croire. » Pour Fait(s) divers, il pousse le processus jusqu’au bout, le théâtre documentaire s’empare du r& eacute;el pour en faire du théâtre, et le conteur réveille l’imaginaire du spectateur par les mots, les gestes, le travail du son, de l’éclairage. Selon Jean Boillot, directeur du Nest, « avec rien, il nous embarque dans un univers entre réalité et imaginaire », entre vérité et mensonge, entre deux Bonneau. Comme un funambule tenté par deux univers contradictoires et pourtant si proches.


Aline Hombourger

© L'ESTRADE, numéro d'octobre 2011


1 an après...


Voilà maintenant une année que FAITS(S) DIVERS, À LA RECHERCHE DE JACQUES B a vu le jour...

Tournée de création, puis festival d'Avignon, puis de nouveau une tournée prévue jusqu'en décembre 2013 ou juin 2014 ( Ouf, dès fois ça fout le vertige de se projeter jusque là !!! ), le tout pour une centaine de représentations...

Rennes, Amiens, Lezay, Secondigny, Cerizay, Thionville, Argentan, Strasbourg, St Quentin... et bientôt de retour sur ses terres. Beauvais, Compiègne.

Et après? Après, je l'abandonnerai, comme une peau qu'on laisse derrière soi...

3 ans à enquêter, construire, rêver de lui, penser à lui, se laisser envahir...
3 ans à vivre avec lui ensuite sur scène... à le digérer, prendre du plaisir aussi, retransmettre les émotions par lesquelles je suis passées...
Cela fera 6 ans.

Ce sera bien assez.
Après je pourrais passer à autre chose.

Et les questions des spectateurs qui s'accumulent sur ma liste:

Il vous a répondu?
Vous allez jouer dans sa prison à St Maur?
Vous lui avez vraiment écrit?
Vous l'avez rencontrer?
Vous allez le rencontrer?
Vous avez vraiment vécu tout ça?
Il va sortir?
Il va venir voir votre spectacle?
Vous n'avez pas peur de lui ressembler?
Et à la fin, il se passe quoi après? Ca veut dire quoi, aller jusqu'au bout?
Vous ressentez quoi pour lui?





" Tu crois qu'on aurait pu être amis Jacques? Tu sais, je me disais que j'aurais pu te suivre, qu'ensemble on aurait pu remonter le fleuve noir, se perdre dans le labyrinthe, plonger dans le coeur des ténèbres..."

samedi 19 février 2011

Première...

BILLET DE 1°:

La première, à Aubusson, "plus petite scène nationale de France"... un vrai travail sur les publics, des gens qui se déplacent, qui ont un avis, qui questionnent, des connaisseurs... un endroit idéal pour répéter et faire cette avant première...



( derrière le billet: Fannytastic, dont la reprise de Talking Heads, "Psycho Killer" est dans le spectacle...)

vendredi 18 février 2011

expérience anthropomorphiques

Tel le docteur Jekyll, qui cherchait la part sombre de chaque individu... Tel le docteur Frankestein qui cherchait à créer la vie de façon artificielle... L'équipe de fait(s) Divers s'est essayé à quelques expériences anthropomorphiques!


















expérience N°3: suivre une fille dans la rue



Expérience n° 3 : suivre sa proie dans la rue sans se faire repérer

Alors, il y a différents modes opératoires… des modus operandi !

- hall d’immeuble, comme Guy Georges, le tueur de l’est parisien
- vous vous déguisez en vieille, courses, sacs, vous attendez que quelqu’un vous propose de vous déposer, attention à bien vous épiler les jambes, dos tournées, machette, coup du lapin
- femme enceinte comme Fourniret et sa femme, parking, jeune fille… la portière se referme en même temps que le piège
- pas de modus opérandi comme F Heaulmes, dit le routard du crime, frapper au hasard selon vos pulsions, en laissant sa signature : opinel, pierre, étranglement

Pour suivre une fille dans la rue, la règle n°1, c’est de ne pas se faire repérer…
Garder ses distances
Ne pas hésiter à changer de trottoir
Voir même si besoin, à longer les murs

Si elle se retourne
Hop !
Technique du lacet
Mince, j’ai pas de lacets…
Se cacher derrière un journal…

Mince, je crois qu’elle m’a repérée…
Elle s’avance vers moi…

Bon… sinon, si vous êtes chauffeur de bus dans l'Yonne, vous avez juste à vous servir!

jeudi 20 janvier 2011

Chiens écrasés


De Martin du Gard "la Sorellina", un prof s'adressant à son élève qui veut devenir écrivain :

(..) "Ecoutez Jalicourt, entrez dans un journal, courez après les faits divers. Vous m'entendez ? Je ne suis pas fou. Les faits divers ! le plongeon dans la fosse commune ! Rien d'autre ne vous décrassera. Démenez-vous du matin au soir, ne manquez pas un accident, pas un suicide, pas un procès, pas un drame mondain !... Ouvrez les yeux, regardez tout ce qu'une civilisation charrie derrière elle, le bon, le mauvais, l'insoupçonné, l'in-inventable. Et peut être qu'après ça vous pourrez vous permettre de dire quelque chose sur les hommes, sur la société, - sur vous ! "(...)

la forêt de l'ogre


Barbe Bleue ou Ogre de Picardie?
Enlever sa peau de bête et creuser un trou pour se mettre dedans...
Redevenir un homme.
Quand la dernière victime de Jacques B a couru, qu'a t-elle vue?

mardi 18 janvier 2011

Anne et Xavier


...à table, entre deux répétitions à Aubusson, Anne Marcel et Xavier Baron...

MÉMÉ SIMONE ( épisode 2)




Ô... mon p’tit drôle…ô m’fais plaisir de t’voir…

To savais qu’o l’a 7000 qui disparaissons en France tous les ans ? Mais où qué t’o que l’vont ?

Tiens, le voulont « supprimer les jurés populaires et les remplacer par des juges professionnels… » qué tô qu’o va changer, hein ? Ren d’ren ô lé que d’la politique pour se protégea les uns les autres…

Ô paraitrait qu’on passe au moins une fois dans sa vie à côté d’un assassin… Y m’demandait, p’têt que l’voisin d’à côté, chola qu’a une sale tête là, ben si o s’trouve, o lé li qu’a assassiné la fille à Michaux, qu’y avons r’trouvé noyée dans 10 cm d’eau ! 10 cm, tu vas pas m’dire qu’o lé un accident ?

CONTEUR :
Ma grand-mère, telle que vous la voyez-là, est atteinte du NDS… le Next Door Syndrome, une théorie qui nous vient des Etats-Unis, selon laquelle votre voisin de palier ou celui qui vous double en voiture sur l’autoroute, est potentiellement un tueur en série !
Je sais, c’est un peu paranoïaque, mais quand même…
Peut-être que votre voisin de droite ou de gauche est un assassin potentiel ou effectif…
Peut-être y’a t’il un tueur en série dans la salle… c’est une probabilité… est-ce qu’il y a un tueur en série dans la salle ? Vous pouvez rester… mais si vous pouviez vous tenir tranquille jusqu’à la fin, ce serait très aimable… faites attention quand vous sortez sur le parking…

LA PSY


Pendant l'enquête, j'ai décidé de me faire suivre par une psy... pour me protéger... me protéger de quoi? Savais pas... Ca fait trois ans que je mène ce projet. Et je me rends compte, qu'en trois, j'ai changé, je n'ai plus les mêmes choses à dire... pas facile donc... mais si je ne reste pas sincère, je vais me perdre encore plus. Donc, retrouver ce que j'ai à dire de nouveau....dequoi je parlais déjà? Ah oui, ma psy... j'aurais voulu en trouver un qui s'appelle Bonneau... Y'en a une, à Niort, mais personne ne m'aurait cru... Bonneau qui cherche Bonneau, suivi par Bonneau... alors, j'en pris une pour son nom protecteur: d'Achange...
Extrait:

LA PSY :
Dites moi, monsieur Bonneau, est ce que vous savez ce que c’est que ça ?

CONTEUR :
Euh… une figurine de sanglier ?

LA PSY :
Exactement M Bonneau
Imaginez, vous êtes dans la forêt, vous marchez, quand tout à coup vous tombez nez à nez sur une femelle sanglier, une laie, avec ses petits marcassins… la femelle sanglier vous charge, vous attaque… qu’est ce que vous faites M Bonneau ?

CONTEUR :
Et bien je cours…

LA PSY :
Vous courrez, elle vous poursuit, vous sortez de la forêt, sur la route, ouf vous êtes sauvé… dites-moi M Bonneau, que ressentez-vous ?

CONTEUR :
J’ai eu peur…

LA PSY :
Êtes vous en colère ?

CONTEUR :
Non…

LA PSY :
Pourquoi ?

CONTEUR :
C’est un sanglier, je vais pas être en colère contre un sanglier…

LA PSY :
Et d’après vous, pourquoi vous a t’elle chargée ?

CONTEUR :
Elle a eu peur, elle a défendu ses petits…

LA PSY :
Et vous M Bonneau, de quoi avez-vous peur ?
Non, réfléchissez
Vous me répondrez la semaine prochaine
N’oubliez pas les 90 euros…

MÉMÉ SIMONE ( épisode 1) :


Ô... mon p’tit drôle…ô m’fais plaisir de t’voir… té, t’au z’a vu ?

« cho drôle qu’est mort noyé, dans son auto, pis qu’est tombé dans le marais, alors qu’lallait embaucher, bé l’sont inquiété quand le l’vons pas vu arriver au boulot »
bé… l’a pas du rigoler…»

« le frappe sa femme avec le tuyau de l’aspirateur… », lé feré bé mieux de faire le ménage oui…

« Le petit Antoine abandonné par ses parents… parce que l’braillait d’trop… »
ô lé p’têt à cause que l’avons laissé toute la journée dans l’auto !

« pis cholà, qu’a j’eté sa mère de sa maison à elle… »
y voudrais ben ô voir, tiens !

cheu, ô lé pour toi :
« Une affaire en forme de soufflé picard… »

T’o savais, qu’o la dos assassins, qui r’cevons dos lettres d’amour en prison ?

Dutroux, le va se marier avec une femme que l’a connu avec dos échanges de lettre en prison… tu crérais toi ? S’marier avec dutroux, tu vas pas m’dire quo faut pas être un peu zinzin ?

Le Michel Fourniret, l’a rencontré sa Monique par les petites annonces quand l’était en prison le 1° coup… t’as vu comment qu’o la viré après ?

T’o crérais, si y’écrivais à Francis Heaulmes ?

Mais au fait, tu lui as écrit toi, au Bonneau ?

LISTES DE TUEURS EN SÉRIE EN FRANCE


Le terme est maintenant admis, en France et aussi en Europe... réalité, paranoïa, comme le dit un documentaire dont est issue cette image " d'autres tueurs hantent nos rues, et ce n'est pas terminé... " Flippant, hein? Ecoeurant. Voyeurisme. Fascination. Au coeur du spectacle qui est en train de voir le jour...


Liste tueurs en série, France ( non exhaustive)

Vincenzo Aiutino (3 victimes entre 1991 et 1992). Début de l'affaire le 6 août 1991
Patrice Alègre (1968), (nombre des victimes toujours indéterminé mais déjà condamné pour 5 meurtres). Début de l'affaire le 5 septembre 1997.

Marcel Barbeault, dit le « Tueur de l'Ombre » (1941 à Nogent-sur-Oise) (8 victimes)

Pierre Bodein dit « Pierrot le Fou » (3 victimes ?). criminel multi-récidiviste Pierre avait déjà passé trente cinq ans de sa vie en prison quand il sort en 2003. En 2 mois il tue trois personnes : 2 fillettes et une femme. Condamné à la perpétuité incompressible il pose la question de la réinsertion en France.

Pierre Chanal (1946-2003) (entre 8 et 17 victimes) accusé d'être l'auteur des meurtres dans l'affaire des disparus de Mourmelon ; se suicide dans d'étranges conditions en octobre 2003 alors qu'il est censé être surveillé en permanence.

Michel Fourniret et sa complice Monique Olivier dit «L'ogre des Ardennes » (de 7 à 10 victimes).

Jacques Fruminet (1958) (3 victimes) dit " Le tueur de femmes"

Guy Georges, dit le « Tueur de la Bastille » ou le « Tueur de l'Est parisien ».(7 victimes) le tueur en série le plus médiatisé de France.

Francis Heaulme, dit le « Routard du Crime » (+10 victimes ?). Condamné pour neuf meurtres, Heaulme a vécu huit années d'errance entre 1984 et 1992, durant lesquelles il a sillonné la France en laissant des cadavres sur les routes.

Yvan Keller (+30 victimes) a avoué en 2006 150 meurtres de vieilles dames en 15 ans avant de se suicider. 35 meurtres sont confirmés

Henri Désiré Landru, (1869 - 1922) (11 victimes).

Claude Lastennet (1971) tue 5 vieilles dames pour le plaisir de tuer (1993/1994).

Jacques Bonneau ( 1980-90), dit « l’ogre de Picardie », médecin généraliste ( 7 victimes)

Émile Louis, l'affaire des Disparues de l'Yonne. (9 victimes entre 1977 et 1981)

Jean-Thierry Mathurin complice de Paulin en 1984 (8 victimes)

Bernard Pasquet (1922) (6 meurtres) en 1941 il reste 20 ans en prison pour le meurtre d'un ami. Libéré en 1961 il récidive en 1976 en tuant sa femme, un dépanneur et trois vieilles dames

Thierry Paulin, dit le « Monstre de Montmartre » ou le « Tueur de Vieilles Dames » (1963-1989) : (+18 victimes).

Marcel Petiot, (17 janvier 1897 - 25 mai 1946) (au moins 27 victimes).

Jean Marc Petroff (4 victimes) entre 1995 et 1998

Jacques Plumain (1973) "Fantôme de Kehl" (4 victimes)

Louis Poirson (4 victimes) ex violeur en série

Tommy Recco (7 victimes) déjà condamné pour meurtre en 1960, responsable de deux triples meurtres entre 1979 et 1980

Sid Ahmed Rezala, dit le « Tueur des Trains » (+3 victimes). Criminel multi-récidiviste a tué trois jeunes femmes en 1999.

Rémi Roy (3 victimes) Le tueur du minitel condamné à perpétuité pour le meurtre de trois homosexuels rencontrés sur minitel

Patrick Salameh (+3 victimes) "Le Tueur de prostituées", tueur à Marseille de 3 prostituées en 2008

Nadir Sedrati (1941) "le dépeceur du canal" condamné pour 3 meurtres mais impliqué dans deux autres disparitions. (5 victimes).

Phillipe Siauve et Thierry El Borgi "Les paras de Francazal" (4 victimes)

Charles Sobhraj, (+20 victimes) dit le « Serpent » : usant de son charisme, il a drogué, volé et tué plusieurs touristes alors qu'il se trouvait en Asie.

Alfredo Stranieri, dit "le tueur aux petites annonces" (4 victimes) Escroc notoire il a tué plusieurs personnes pour de l'argent.

Patrick Tissier (3 victimes) il fut condamné pour avoir assassiné une femme en 1972. sortit il tue sa voisine et quelque temps plus tard une fille de huit ans.

Joseph Vacher, dit l' « Éventreur » (12 victimes): assassine des femmes et des enfants entre 1894 et 1897.

Denis Waxin (1968) ce pompiste a tué trois fillettes en 1985, 1990 et 1992 et violé six enfants. En 2003, il a été condamné à la perpétuité.

Eugène Weidmann qui assassina au moins 6 personnes et fut le dernier condamné à mort à être guillotiné en place publique. (Versailles 1939)70

Daoud Mendy (1975) entre mars 1996 et juin 1998 ce sdf a tué 5 femmes suivant ses lieux d'errances.

DÉFINITIONS


FAITS DIVERS :
Événement peu important et sans portée générale,
mais faisant sensation,
qui appartient à la vie quotidienne,
rapporté dans les journaux
ou circulant par la rumeur.


TUEUR EN SÉRIE :
Selon la définition de criminologie,
on appelle tueur en série,
celui qui tue successivement au moins trois personnes,
avec des intervalles libres,
de sang-froid
et sans mobile apparent.

mardi 21 décembre 2010

SE LEVER EN PRISON

...

se lever, se demander pourquoi on se lève mais se lever quand même, lever la cuvette, pisser, refermer la lunette de la cuvette, marcher, refaire son lit, s’étirer, se brosser les dents, attendre le passage du café, se rebrosser les dents, jouer avec le stylo, ouvrir mon livre sur la table de chevet, me recoucher, me lever, m’habiller, marcher, tourner, s’asseoir, s’allonger, marcher encore, regarder les rats par la fenêtre, sentir un courant d’air frais, entendre le déjeuner qui arrive, dire bonjour, croiser un regard, se tenir sur le bord de la cellule, se pousser pour laisser se refermer la porte, boire du café, des légumes et des haricots et la viande j’en veux pas, ça me dégoûte depuis je suis ici…

la nuit, il faut avoir passer une nuit en prison pour savoir ce que c’est, les cris, ceux qui frappent contre les portes, la musique à fond, les hurlements, le silence ne prison, la nuit ça n’existe pas, d’ailleurs le jour non plus ça n’existe pas, mais c’est un bruit plus rassurant, les gardiens qui passent, les portes qui s’ouvrent, ceux qui sortent et ceux qui rentrent, les voix qui résonnent… c’est fou ce que ça résonne en prison… alors, la nuit, en plus, la première on croit qu’on va devenir fou, qu’on supportera pas, mais on s’habitue, après, on sait… c’est pas humain, d’être enfermé comme des animaux, pas mieux que des animaux, il doit y avoir d’autres solutions, c’est pas possible autrement…

marcher, lire, se lever, aller pisser, se gratter, le doigt contre l’oreille, puis le doigt contre l’arrête du nez, se masser le pied, jouer avec mon stylo, siffler, sentir le vent par la fenêtre, entendre le pigeons qui roucoulent, les bruits dans la cour, se lever, marcher, vouloir courir et continuer de marcher…

...

( extrait d'un atelier d'écriture par des détenus)

mardi 14 décembre 2010

photos sur la route... Beauvais, Nourard le Franc, Plessier sous Bulles, St-Just en Chaussée... road-movie en Picardie



C’est l’histoire d’un homme qui tombe du 37° étage.



Et à chaque étage qui le rapproche du sol, il murmure « jusqu’ici, tout va bien… jusqu’ici tout va bien…



Je sens bien au fond de moi, qu’il va falloir que j’y retourne.



Il faut que j’aille le voir de plus près…



Qu’est ce que je vais faire de tout ça ?

à la mairie

Lors d'une résidence.
Salle du conseil municipal.
Lundi soir. J
e suis un invité de marque on dirait (y’a de la brioche…)

Le maire : on peut faire quoi pour vous ?
Moi : euh je sais pas… vous avez des faits divers sur la commune ?
Le maire : non. C’est tranquille ici.

Puis, il se mettent à parler à voix basse.

Et le maire, me montre une carte.
Le maire : il serait préférable que vous évitiez cet endroit, il y a eu un…
Moi : un meurtre ?
Le maire : oui, c’est délicat... par contre, en ce moment, il y a plein de champignons….

Moi : mais c’est justement pour ça que je suis là.
Le maire : il ne faut pas remuer le désespoir des gens. Je me souviens des caméras des télés sur le parvis de la mairie, on voit ça dans les films mais quand ça vous arrive…

mardi 30 novembre 2010

Psychose


...en ce moment, au Strapontin, à Pont Scorff, on débute la résidence par un atelier sur Psychose, le film du grand Alfred H. Au menu, travail sur le son et l'image, la musique de Hermann, avec Mikaël Plunian aux manettes... Road-Movie, scènes de douches, passer de la douceur à l'horreur, tenter de comprendre la mécanique du suspens... le premier jour, le groupe hésite, nous sommes au deuxième et ceux qui ne voulaient pas aller sur scène en redemandent... nous finissons sur trois récits croisés, entre un gamin qui joue sur la balançoire, deux auto-stoppeuses, une femme qui tricote face à la télé... la musique de la scène de la douche entre en piste et tout se déglingue. cri. Noir...

dimanche 28 novembre 2010

Article à ne pas mettre en toutes les mains...


Pendant une des résidences / un article qui donne envie de rire... enfin, un peu... / on sait plus trop / au bout d'un moment, on sait plus trop... /
Parfois avec toute l'équipe, on se surprend à rire, plaisanter, faire une sorte de tourisme du "serial killer"... et quand quelqu'un vient nous voir, il trouve qu'on est comme passé de l'autre côté... " et les victimes,leurs parents, vous y pensez..."... bizarrement, non, pas tellement... c'en est presque horrible... Comme m'a dit un avocat: "une victime, c'est terrible à dire, mais c'est banal, alors qu'un meurtrier, c'est unique!"

dessiner sur un mur en attendant la mort


en descendant la porte du criminel
de l'accusé comme on dit
( le prévenu, c'est juste avant de passer cette porte...)
il est où?
il fait quoi?
il attend?
et parfois, en attendant, il écrit, dessine, griffonne, sur les murs, par exemple,
comme là,
sur le mur, en 1935...
on dirait du Cocteau...

vendredi 26 novembre 2010

ENQUÊTER À DISTANCE

Depuis la rentrée, je travaille en résidence de collectage.
Rochefort, Cergy, Aubusson, Thionville, Niort.
À distance de la Picardie donc.
Bizarre.
On dirait que je reconstitue l’enquête.
À ma façon.
À distance.
Je rencontre gendarmes, avocats, policiers, détenus, experts, criminologue et avec eux, point par point, je fabrique l’enquête, je la fantasme, l’imagine…

GENDARMES.
Tenez, par exemple, avec les gendarmes, ceux de l’école de gendarmerie de Rochefort, je leur ai dit tout ce que je savais, et nous avons reconstitué pendant 2h00, l’enquête, pas à pas… on a reconstitué son arrestation… j’avais l’impression d’y être encore plus que si j’y étais vraiment.

PRISON.
Tenez, encore, maison d’arrêt du Val d’Oise, Maison d’arrêt de Rochefort, centre de réinsertion de l’île de Ré. Je refais le parcours de celui qu’on écroue, tout au début, l’arrivée. Visite de cellule. Le directeur de la prison. La cantine. Le parloir. La vie au quotidien. La cellule qui devient presque un espace privé. La cour de promenade. Les regards agacés, interrogatifs, curieux. On se croirait dans Un Prophète.



TRIBUNAL.
L’avocat de Jacques B est mort, très bien.
J’irais chez un avocat, à Guéret, à Rochefort.
Au tribunal, aux assises de Niort, Saintes et Thionville.
Y passer des journées encore.
Comme un accroc au faits divers.
Tiens, là, un avocat m’a repéré. Juste avant les plaidoiries, il vient vers moi. Me demande ? j’explique. Il parle. Pas besoin de le pousser beaucoup. Il ressemble à Jean-François Balmer. Il a eu l’air avachi pendant tout le procès. Je lui pose la question.

— c’est normal, je fais semblant, il faut que les jurés sentent que je m’en fout. Je m’en fout. Mais, là, ils vont entende ma voix, pour la première fois. Écoutez, ça devrait vous plaire, je vais leur montrer mon paysage.
Je dois avouer. Oui, ça m’a plu. Mais le type a pris 8 ans. Une année de plus que ce que demandait l’avocat général. Brillant mais loupé. C’est gris, tout est gris. Je veux dire, les coupables comme les victimes, il y a des tas de choses à soulever…

Et moi, pendant ce temps, je reconstitue l’enquête.




PARTIR.
Mais je sens bien au fond de moi, qu’il va falloir que j’y retourne. En Picardie. Sur ses traces. Il me manque quelque chose. Il faut que j’aille voir tout cela de plus près…

LA LETTRE

Je l’ai écrite, puis elle a traîné de nouveau deux semaines dans ma voiture. Je ne trouvais pas de boîtes au lettres.
Bizarre, non ?
J’ai fini pas l’envoyer.
Vous auriez écrit quoi, vous ?
Ben moi, je faisais pas le fier.
Pour le moment, tout va bien… je n’ai pas encore de réponse…


J’ai traîné pendant des mois pour lui envoyer une lettre.

mardi 21 septembre 2010

résidence... next?

Elle aura lieu a la scène nationale d'Aubusson, en octobre. Le collectage se prépare, le fait-divers local, canular, ateliers, rencontre autour du polar, programmation de films... on a hâte!

le nom du directeur?
un Bonneau aussi
comme moi
comme Jacques
comme ma grand-mère
mais ça s'écrit Bono (on peut pas tout avoir...)

lundi 20 septembre 2010



Daeninckx « Play Back »

J’ai suivi le conseil de ma grand-mère. Je viens de terminer la lecture de « Play Back » de Didier Daeninckx. Elle a vu pas mal juste "la vieille", je note bon nombre de similitudes entre mon enquête et celle de son personnage. Un contexte social, une construction en flash back, des personnages que j’ai l’impression d’avoir rencontré de mon côté, des situations incongrues, une ambiance de pluie, d’usines qui ferment, de gueules cassées, de corps fatigués, de racisme latent, des tournures de style qui font très polar et que je note sur un petit carnet:

« Le cadran du réveil indique 23h 59min 59s… dans une seconde, le monde bascule dans un autre jour… »

Finalement, elle est peut-être pas si nulle que ça, ma grand-mère, comme conseiller littéraire en polar !!


15 septembre : sortie de chantier

C’est l’heure de la seconde fenêtre. J’ai moins de choses à présenter qu’il y a 8 jours. Certains spectateurs sont décontenancés du chemin parcouru, en arrière… il faut savoir se perdre, oublier, ne pas fixer, ne plus savoir, tout remettre en cause… d’autres sont ravis de s’immiscer dans l’intimité d’une création… enfin je crois…

Ah si quand même, un mini événement : ma grand-mère s’est invitée ce soir. Comment ?

Durant la semaine, je dit à Anne, mes difficultés de travailler en collaboration avec un auteur de Polar, notamment en raison de leur disponibilités pour venir pendant mes résidences. En plaisantant, je lui dis :
— si ça continue, je vais m’en remettre à ma grand-mère
— pourquoi tu dis ça
— ma grand-mère ?
— laquelle ?
— mémé Simone
— oui ?
— et ben, elle est fan de polars, ça fait 10 ans qu’elle en lit des quantités, depuis la mort de mon grand-père en fait…
— tu m’avais jamais dit
— je savais pas non plus
— ah…
— oui, elle m’a appelé cette semaine, je lui ai dit que je bossais sur un fait divers, un polar et c’est là qu’elle me l’a dit. Le bibliobus lui apporte une provision de polar toutes les deux semaines…

Anne me dit : tu pourrais en parler
moi : oui, je pourrais…

Une chaise. Je parle à la chaise. Sur laquelle est assise ma grand-mère. Je lui raconte des bouts de mon périple. Et elle, elle me pose des questions. Se moque de moi. Gentiment. Ma grand-mère, Simone, Mémé, elle a beau avoir 83 ans, elle a gardé son esprit frondeur. Salvateur même…


Simone.

Mémé Simone : tu as lu Fred Vargas, c’est bien ce qu’il écrit.

Moi : « il », c’est une femme

Mémé Simone : ah bon, et ben mince, j’savais pas

Moi : tu lis quoi d’autres ?

Mémé Simone : pas des américains, pas des thriller, y’a trop de violence là-dedans… des français, des suédois je lis… ça se passe où ton histoire ?

Moi : en Picardie

Mémé Simone : c’est qui ?

Moi : un tueur, enfin un médecin, 7 femmes, l’ogre de Picardie et euh… il s’appelle Bonneau, Jacques…

Mémé Simone : Bonneau ! comme nous ? Mais t’es fou ou quoi, dans quoi tu t’es embarqué encore ? Tu es où là ?

Moi : Là, je suis en Lorraine

Mémé Simone : je croyais que ça se passait en Picardie ton truc, j’y comprend rien à tes histoires…

Moi : je passerais te voir, pour t’expliquer

Mémé Simone : si tu veux… tu dis toujours ça, mais t’as jamais le temps… je comprends remarque, moi je peux plus bouger, t’as bien raison d’en profiter mon drôle… attends, la Lorraine, ça me rappelle un livre de Daeninckx, « Play Back », ça se passe dans ce coin-là, tu devrais lire…


DES BATONS DANS LES ROUES

Je suis dans le train. Un corail. Je préfère le bruit du Corail. Un vrai bruit de train celui-là. Je prends des photos des jambes des passagères. J’en profite. Ce sont les derniers jours de soleil. Je me cache un peu. J’expérimente. Des situations de troubles. Je pense à lui, Jacques. Dans sa prison. Je me dis, qu’à mon retour, dans la boîte aux lettres, j’aurais peut-être une réponse à me demande de rencontre, un parloir avec lui. Mes deux premiers courriers ont reçu des avis négatifs de l’administration pénitentiaire. Là, je suis passé par son avocat.

Je ne pensais pas avoir autant de difficultés pour rencontrer les acteurs de ce fait-divers. Policiers, juges, spécialistes, avocats… Difficile de les retrouver, difficile de les joindre, difficile de les convaincre de me rencontrer.

Dernière frustration en date ? Une rencontre prévue en prison, avec des détenus de longues peines. Tout allait bien. Puis courrier de la tête de l’administration pénitentiaire : pourquoi ces rencontres ? j’hésite, mais je répond sincèrement. Résultat : refus.





9 septembre 2010 : début d’une RÉSIDENCE de 8 jours

Cette semaine, de nouveau la Lorraine, à Thionville, pour la seconde fois… je présente deux « fenêtres », devant une vingtaine de personnes, les mêmes…
Le but : une entrée et une sortie de résidence, voir là où on en est le premier et le dernier jour.

Le 1° jour, Mael Le Goff vient me donner un coup de main. Sur le plateau, je lui montre mon matériau, et nous l’organisons en fabriquant une première chronologie.

À droite, une table, des livres, mon matériau de collectage, nous écrivons RÉEL à la craie sur le sol.
Juste derrière, un paper-board, avec les inscriptions DESCRIPTION DES CRIMES, PÉRIODE INTERMÉDIARE et ENFANCE. dessous, j’écris, PROFIL PSYCHOLOGIQUE.
Au fond, un écran de projection, sur lequel je scotch des phrases, des titres. CÉLINE G, KARCHER, LA ROUTE, LA LIGNE ROUGE… voilà que se rassemble les traces de mon périple, du road-movie.
Au fond, côté jardin, un micro sur pied, le lieu des « TU », des adresses à Jacques B, aller dans sa tête, tout en restant à distance, par pudeur et effroi peut-être…
Et devant, enfin, une autre table, il y a tout ce que j’ai écris. Et à la craie : IMAGINAIRE.

Et pour fermer ce cercle, LE PUBLIC.

Les spectateurs de cette fenêtre. À l’issu de la première présentation, j’ai la surprise de voir qu’ils sont déjà dans le spectacle, qu’ils le conçoivent comme tel, comme un objet presque définitif, qui a simplement besoin d’être retravaillé. Ils sont déjà avocats de certaines scènes, en me disant, « surtout, celle-là, il faut la garder ! »
Une spectatrice : « vous vous approchez de l’enfer, c’est courageux et audacieux ».

Je ne leur dit pas encore, que demain arrive Anne, la metteur en scène, l’accoucheuse et qu’il faudra sans doute tout recommencer. Et puis, il y a encore 4 mois avant la première !

Je me couche, dans l’appartement qui nous ai prêté. « Mon réveil indique 23h 59min 59s… dans une seconde, le monde bascule dans un autre jour… »


12 septembre : vin de Moselle

Avec Anne, nous marchons ce matin, une longue balade sur les bords de la Moselle. Au loin, on aperçoit les cheminées fumantes d’une centrale nucléaire. Elle a remplacé d’autres fumées, celle des hauts-fourneaux, des mines, des usines de sidérurgies. La population italienne ne travaille plus dans la poussière du charbon, quelques-uns ont ouvert des pizzerias ; où sont les autres ? Les vieux ? Rentrés en Italie ? Ou dans une maison de retraite pour travailleurs à la santé ruinée ?

Au loin, un train revient de Luxembourg. À l’intérieur, les frontaliers, comme on les appelle, c’est à dire ceux qui travaillent dans les banques, celle-là même qui se sont alarmées, puis goinfrées de ce qu’on appelle la CRISE.

Nous arrivons aux abords d’un bistrot, sur les bords de la Moselle. Quelqu’un a mis un disque de Jacques Brel. On nous sert une bouteille de blanc et du saucisson. D’ici une heure, la tête tournante, nous franchirons les grilles du parc comme deux adolescents, avant de faire une sieste.

Ah oui aussi, nous parlons depuis 3 jours de Jacques B, du fait divers, des matériaux que j’ai emmagasiné, et comme d’habitude, Anne me pose quantité de questions, sans jamais rien lâcher, mettant en avant mes contradictions, mes errances, mes manquements… ouf… plus que 4 mois avant la première…

— tu veux dire quoi dans ce spectacle, Nicolas ?
— euh…
— tu veux parler de l’humanité chez Jacques, et de l’inhumanité chez toi ?
— oui, c’est ça… la nature humaine…
— ah ! La Nature Humaine

samedi 24 juillet 2010

c'est pas moi qu'ai fait l'con!



Nicolas Bonneau accusé d’enlèvement d’un bébé de 16 mois


Âgé de 31 ans, Nicolas Bonneau a comparu ce matin au palais de justice de Longueuil pour répondre à une accusation d’enlèvement d’enfant. Sa remise en liberté a été refusée. Il comparaîtra de nouveau devant le tribunal demain pour son enquête sur cautionnement.

Nicolas Bonneau aurait enlevé hier un petit garçon de 16 mois. Il était une connaissance de longue-date des parents du bambin et habitait avec eux depuis quelque temps, dans un logement de la rue Terrasse Tracy, dans l’arr. du Vieux-Longueuil.

L’accusé devait amener l’enfant à Saint-Jérôme pour le remettre aux parents, mais il ne s’est jamais présenté. C’est le père de l’enfant qui aura guidé les policiers vers l’un des endroits que fréquentait son colocataire. L’enfant a été retrouvé dans l’hôtel Élégant, sur la rue Saint-Hubert à Montréal, vers 5h30 ce matin.

Sous influence

Le Courrier du Sud a appris d’une source fiable que Nicolas Bonneau était sous l’influence de substances illicites. Il s’agissait apparemment d’une rechute pour cet individu qui n’aurait rien consommé depuis six ans. Avant de quitter le logement, l’accusé s’est également emparé d’une somme d’argent.

Le père sans réponses

Danny, le père de l’enfant avoue avoir vécu des moments pénibles lorsque qu’il s’est rendu compte que son fils avait disparu. «C’est imaginable ce que j’ai pu vivre hier soir. J’étais bien content de retrouver mon enfant ce matin, et je me ne préoccupais pas de l’autre (Bonneau).»

Danny ignore pourquoi Nicolas Bonneau a fait ce geste. «Je ne comprends pas ce qui lui a pris. Il n’y avait aucun signe qui laissait présager un tel événement. Le matin, il n’avait pourtant rien consommé quand je l’ai vu», a finalement confié avec soulagement le papa.



je vous jure!!!

mardi 15 juin 2010

reprise des hostilités...


Mercredi 2 juin

J’ai repris la route. Il était temps. Depuis, mon dernier périple en Picardie, j’ai beaucoup lu, des polars ( français, américains), vu des films, lu des analyses, vu des choses à la télé, et ce n’est pas ce qui manque. Derrière moi, la table est remplie de documents, lu ou à lire encore…

Fais des rencontres aussi, comme avec l’écrivain Patrick Raynal à qui j’ai proposé de participer à l’aventure pour un regard dramaturgique (« c’est mon métier, m’a t’il dit, trouver le fil de l’histoire » ) ; il m’a également conseillé de lire Ellroy et son « tueur sur la route » ( tiens, tiens) ou les trilogie de Thomas Harris, l’auteur du « silence des agneaux ». je compte l’inviter à une prochaine répétition publique, en septembre, à Thionville, au CDN de Lorraine.

Mes ateliers du spectateur ont continué aux aussi, en Gâtine, avec le Nombril du monde, j’ai montré mes films et mon journal et lu des articles et des scènes à ce groupe de spectateur témoins ; chez eux, dans leur salon, avant un gueuleton :

Mais pourquoi tu fais un spectacle sur des horreurs pareilles !

On te préférait quand tu faisais l’usine ! me disent-ils.

Oui, je sais, je réponds, mais faut que je m’y coltine.

Je vais en tout cas, malgré le sujet, essayer de rester parfois léger et accessible.

D’autres rencontres aussi, en maison d’arrêt, avec un détenu qui en a pris pour 25 ans, bibliothécaire en sursis de son appel. Je viens de lire ce qu’il avait fait sur internet. Rien à dire de plus. Il assume les faits, mais la peine est lourde. Émotion du jury populaire.

Je vais dans les tribunaux, rencontres avec des juges, chroniqueuse judiciaires, journalistes de la « PQR » (presse quotidienne régionale), centre de réinsertions pur détenus, gendarmes, un journaliste du Nouveau Détective (tiens celui-là, je le mettrais bien dans mon spectacle) et d’autres encore qui vont suivre…

Et Jacques B alors ?

Lui aussi je suis sa trace…

Lundi 7 juin

Je suis en Lorraine, à l’invitation du CDN. Pourquoi la Lorraine ? Là aussi, c’est une terre propice pour les faits-divers et les tueurs en série. Alors pourquoi pas prendre de la distance avec la Picardie…

Hier, j’ai pris ma voiture pour aller rencontrer un gendarme qui a travaillé sur le cas Francis Heaulme.

Une journée d’errance en fait. Après la rencontre, je roule dans le paysage. C’est un road-movie après tout, alors j’en profite. Radio classique sort par les vitres baissées de la portière. Je m’arrête dans le centre ville de Longwy. J’observe. Je m’assieds aux terrasses des cafés. J’écoute. Je regarde. C’est fou, comme en regardant, en pensant à « lui », mon regard change. Je deviens parano. Parano de moi et des autres. J’ai l’impression qu’on m’observe tout autant que j’observe. On dirait que je suis en fuite. Je regarde les femmes, et mon regard posé sur elles est différent, celui d’un prédateur, froid. Peut-être. Je me dis, que je vais devoir traîner ce spectacle plusieurs années, et je sais pas, cette perspective ne me réjouis pas.

Je prends des bribes de phrases.

Deux collégiens et un qui dit à l’autre : si t’as faim, le matin, je peux t’amener quelque chose.

Deux abîmés par la vie boivent leur bière sans se parler ni se regarder.

Là, un type qui enfile sa enième bière, se lève, avec ses béquilles, claudiquant, et puis s’arrête, traînant, toutes les 5 secondes pour tirer sur sa cigarette. Hop, il l’écrase avec une de ses béquilles.

Au coin d’une rue, deux types : au moins avant on avait pas le temps, mais on avait du boulot.

La sidérurgie a fermé dans toute la vallée en « ange », malgré les promesses du président au lendemain de son mariage à Disneyland.

Mardi 8 juin

En roulant, toujours.

Je rentre pour dîner.

Je finis d’observer.

Sur la route de la vallée du Fench.

J’avale la route et c’est bien, de rouler sans autre objectif que de rouler.

Il y un panneau qui indique « bois de la côte », et au loin un village de mineurs, abandonné, de l’autre côté du bois. Je bifurque. Je m’engouffre dans le bois. La route est étroite. Bientôt, un vélo sur lequel est une jeune fille arrive en sens inverse. Je ralentis. Je baisse ma vitre. Elle me regarde la regarder et dans son regard, je sens qu’elle a peur. On dirait que j’y arrive bien à faire le regard du prédateur. Qu’est-ce qu’elle fait là, à rouler dans ce vois désert, t’as pas lu le petit chaperon rouge, petite ?

Dans le rétroviseur intérieur, je l’aperçois qui s’éloigne. J’aperçois mon image aussi. Mon visage qui parle alors que je ne parle pas. On dirait que c’est moi et que ce n’est pas moi ? je crie, comme enfermé dans le rétroviseur.

Je secoue la tête.

Brrrrhhh….

Plus loin encore, deux vieilles marchent. C’est une sorte de chemin, je sens que je suis un peu perdu, que le village abandonné s’éloigne. Je m’arrête, et je demande comment s’y rendre…

ho, plus personne n’y va jamais, et en voiture, par ici, ça va être compliqué

oui, dit l’autre, ça descend à pique, faut y aller à pied, c’est un GR ici.

Ah bon, je dis, je suis un peu perdu je crois.

vous voulez voir quoi dans ce village, demande la première vieille ?

Je souris.

Rien, je réponds, je me promène…

Ah…

Je redémarre. Bientôt, je suis dans un chemin boueux. Il y a une forme qui surgit du bois vert. Je freine. Trop tard, je me prends une biche de plein fouet dans le pare-choc, je roule sur la biche, j’entends le poids de son corps sous mes roues.

Je descends.

Et merde !