mardi 21 septembre 2010

résidence... next?

Elle aura lieu a la scène nationale d'Aubusson, en octobre. Le collectage se prépare, le fait-divers local, canular, ateliers, rencontre autour du polar, programmation de films... on a hâte!

le nom du directeur?
un Bonneau aussi
comme moi
comme Jacques
comme ma grand-mère
mais ça s'écrit Bono (on peut pas tout avoir...)

lundi 20 septembre 2010



Daeninckx « Play Back »

J’ai suivi le conseil de ma grand-mère. Je viens de terminer la lecture de « Play Back » de Didier Daeninckx. Elle a vu pas mal juste "la vieille", je note bon nombre de similitudes entre mon enquête et celle de son personnage. Un contexte social, une construction en flash back, des personnages que j’ai l’impression d’avoir rencontré de mon côté, des situations incongrues, une ambiance de pluie, d’usines qui ferment, de gueules cassées, de corps fatigués, de racisme latent, des tournures de style qui font très polar et que je note sur un petit carnet:

« Le cadran du réveil indique 23h 59min 59s… dans une seconde, le monde bascule dans un autre jour… »

Finalement, elle est peut-être pas si nulle que ça, ma grand-mère, comme conseiller littéraire en polar !!


15 septembre : sortie de chantier

C’est l’heure de la seconde fenêtre. J’ai moins de choses à présenter qu’il y a 8 jours. Certains spectateurs sont décontenancés du chemin parcouru, en arrière… il faut savoir se perdre, oublier, ne pas fixer, ne plus savoir, tout remettre en cause… d’autres sont ravis de s’immiscer dans l’intimité d’une création… enfin je crois…

Ah si quand même, un mini événement : ma grand-mère s’est invitée ce soir. Comment ?

Durant la semaine, je dit à Anne, mes difficultés de travailler en collaboration avec un auteur de Polar, notamment en raison de leur disponibilités pour venir pendant mes résidences. En plaisantant, je lui dis :
— si ça continue, je vais m’en remettre à ma grand-mère
— pourquoi tu dis ça
— ma grand-mère ?
— laquelle ?
— mémé Simone
— oui ?
— et ben, elle est fan de polars, ça fait 10 ans qu’elle en lit des quantités, depuis la mort de mon grand-père en fait…
— tu m’avais jamais dit
— je savais pas non plus
— ah…
— oui, elle m’a appelé cette semaine, je lui ai dit que je bossais sur un fait divers, un polar et c’est là qu’elle me l’a dit. Le bibliobus lui apporte une provision de polar toutes les deux semaines…

Anne me dit : tu pourrais en parler
moi : oui, je pourrais…

Une chaise. Je parle à la chaise. Sur laquelle est assise ma grand-mère. Je lui raconte des bouts de mon périple. Et elle, elle me pose des questions. Se moque de moi. Gentiment. Ma grand-mère, Simone, Mémé, elle a beau avoir 83 ans, elle a gardé son esprit frondeur. Salvateur même…


Simone.

Mémé Simone : tu as lu Fred Vargas, c’est bien ce qu’il écrit.

Moi : « il », c’est une femme

Mémé Simone : ah bon, et ben mince, j’savais pas

Moi : tu lis quoi d’autres ?

Mémé Simone : pas des américains, pas des thriller, y’a trop de violence là-dedans… des français, des suédois je lis… ça se passe où ton histoire ?

Moi : en Picardie

Mémé Simone : c’est qui ?

Moi : un tueur, enfin un médecin, 7 femmes, l’ogre de Picardie et euh… il s’appelle Bonneau, Jacques…

Mémé Simone : Bonneau ! comme nous ? Mais t’es fou ou quoi, dans quoi tu t’es embarqué encore ? Tu es où là ?

Moi : Là, je suis en Lorraine

Mémé Simone : je croyais que ça se passait en Picardie ton truc, j’y comprend rien à tes histoires…

Moi : je passerais te voir, pour t’expliquer

Mémé Simone : si tu veux… tu dis toujours ça, mais t’as jamais le temps… je comprends remarque, moi je peux plus bouger, t’as bien raison d’en profiter mon drôle… attends, la Lorraine, ça me rappelle un livre de Daeninckx, « Play Back », ça se passe dans ce coin-là, tu devrais lire…


DES BATONS DANS LES ROUES

Je suis dans le train. Un corail. Je préfère le bruit du Corail. Un vrai bruit de train celui-là. Je prends des photos des jambes des passagères. J’en profite. Ce sont les derniers jours de soleil. Je me cache un peu. J’expérimente. Des situations de troubles. Je pense à lui, Jacques. Dans sa prison. Je me dis, qu’à mon retour, dans la boîte aux lettres, j’aurais peut-être une réponse à me demande de rencontre, un parloir avec lui. Mes deux premiers courriers ont reçu des avis négatifs de l’administration pénitentiaire. Là, je suis passé par son avocat.

Je ne pensais pas avoir autant de difficultés pour rencontrer les acteurs de ce fait-divers. Policiers, juges, spécialistes, avocats… Difficile de les retrouver, difficile de les joindre, difficile de les convaincre de me rencontrer.

Dernière frustration en date ? Une rencontre prévue en prison, avec des détenus de longues peines. Tout allait bien. Puis courrier de la tête de l’administration pénitentiaire : pourquoi ces rencontres ? j’hésite, mais je répond sincèrement. Résultat : refus.





9 septembre 2010 : début d’une RÉSIDENCE de 8 jours

Cette semaine, de nouveau la Lorraine, à Thionville, pour la seconde fois… je présente deux « fenêtres », devant une vingtaine de personnes, les mêmes…
Le but : une entrée et une sortie de résidence, voir là où on en est le premier et le dernier jour.

Le 1° jour, Mael Le Goff vient me donner un coup de main. Sur le plateau, je lui montre mon matériau, et nous l’organisons en fabriquant une première chronologie.

À droite, une table, des livres, mon matériau de collectage, nous écrivons RÉEL à la craie sur le sol.
Juste derrière, un paper-board, avec les inscriptions DESCRIPTION DES CRIMES, PÉRIODE INTERMÉDIARE et ENFANCE. dessous, j’écris, PROFIL PSYCHOLOGIQUE.
Au fond, un écran de projection, sur lequel je scotch des phrases, des titres. CÉLINE G, KARCHER, LA ROUTE, LA LIGNE ROUGE… voilà que se rassemble les traces de mon périple, du road-movie.
Au fond, côté jardin, un micro sur pied, le lieu des « TU », des adresses à Jacques B, aller dans sa tête, tout en restant à distance, par pudeur et effroi peut-être…
Et devant, enfin, une autre table, il y a tout ce que j’ai écris. Et à la craie : IMAGINAIRE.

Et pour fermer ce cercle, LE PUBLIC.

Les spectateurs de cette fenêtre. À l’issu de la première présentation, j’ai la surprise de voir qu’ils sont déjà dans le spectacle, qu’ils le conçoivent comme tel, comme un objet presque définitif, qui a simplement besoin d’être retravaillé. Ils sont déjà avocats de certaines scènes, en me disant, « surtout, celle-là, il faut la garder ! »
Une spectatrice : « vous vous approchez de l’enfer, c’est courageux et audacieux ».

Je ne leur dit pas encore, que demain arrive Anne, la metteur en scène, l’accoucheuse et qu’il faudra sans doute tout recommencer. Et puis, il y a encore 4 mois avant la première !

Je me couche, dans l’appartement qui nous ai prêté. « Mon réveil indique 23h 59min 59s… dans une seconde, le monde bascule dans un autre jour… »


12 septembre : vin de Moselle

Avec Anne, nous marchons ce matin, une longue balade sur les bords de la Moselle. Au loin, on aperçoit les cheminées fumantes d’une centrale nucléaire. Elle a remplacé d’autres fumées, celle des hauts-fourneaux, des mines, des usines de sidérurgies. La population italienne ne travaille plus dans la poussière du charbon, quelques-uns ont ouvert des pizzerias ; où sont les autres ? Les vieux ? Rentrés en Italie ? Ou dans une maison de retraite pour travailleurs à la santé ruinée ?

Au loin, un train revient de Luxembourg. À l’intérieur, les frontaliers, comme on les appelle, c’est à dire ceux qui travaillent dans les banques, celle-là même qui se sont alarmées, puis goinfrées de ce qu’on appelle la CRISE.

Nous arrivons aux abords d’un bistrot, sur les bords de la Moselle. Quelqu’un a mis un disque de Jacques Brel. On nous sert une bouteille de blanc et du saucisson. D’ici une heure, la tête tournante, nous franchirons les grilles du parc comme deux adolescents, avant de faire une sieste.

Ah oui aussi, nous parlons depuis 3 jours de Jacques B, du fait divers, des matériaux que j’ai emmagasiné, et comme d’habitude, Anne me pose quantité de questions, sans jamais rien lâcher, mettant en avant mes contradictions, mes errances, mes manquements… ouf… plus que 4 mois avant la première…

— tu veux dire quoi dans ce spectacle, Nicolas ?
— euh…
— tu veux parler de l’humanité chez Jacques, et de l’inhumanité chez toi ?
— oui, c’est ça… la nature humaine…
— ah ! La Nature Humaine