mardi 15 juin 2010

ATELIERS LIBRES DE THIONVILLE


Mercredi 16 juin : ATELIERS LIBRES DE THIONVILLE

Au CDN de Thionville,
j’anime 3 ateliers libres ; y viennent des gens de tous horizons, des abonnés, des fidèles, des jeunes, des vieux, peu de gens de la quarantaine, beaucoup de femmes et peu d’hommes comme toujours, des qui ont une pratique amateur ou professionnelle, dès qui ne sont jamais montés sur une scène, dès qui viennent pour la première fois, qui sont venus juste pour regarder, dès qui se sont trompé et qui venaient voir un spectacle de conte mais qui vont rester un peu quand même pour voir…

Je remarque simplement, qu’au départ, il y a réticence à travailler sur le fait-divers, je dois donner envie au groupe, d’abord en leur demandant de me raconter des choses proches d’eux, un souvenir, un cauchemar, un accident dont ils ont été témoins…

Puis, je leur donne des faits-divers, tirés des journaux, il y a là :

Une femme infanticide
Une tentative de meurtre sur sa maîtresse
Un viol par son beau-père
Un enfant mort dans une voiture pendant que sa mère est au travail
Un « ogre » qui mange son propre corps
Chasse à l’Homme ( Deux frères pareil à Abel et Caïn)


À la lecture des textes, par petits groupe, je les sens un peu abattus, trop noir pas envie de lire ça, envie de rigoler, de se divertir…

Et puis, je leur demande de trouver des points de vue, de raconter en extrayant des personnages, de faire parler morts et vivants, voisins et famille, victimes et accusés…

Et puis, peu à peu, je les sens s’investir, essayer de comprendre, se mettre à la place, la parodie s’éloigne, ils sont au plus proche d’eux mêmes, « des variations sur l’humain », dira une jeune femme… et quelque chose de lumineux se dégage, ils parlent de nous soudain, ils ne jugent pas ceux qui ont fait, ils donnent leur voix.

Certains ont dit : « c’est comme si on les connaissait tous, et quand on se met à parler, les mots nous échappent, on dirait que ce sont eux qui parlent, des sentiments collectifs, on sait ce qu’ils ont dit… »

Et on en ressort, certes transformés, mais il n’y a rien eu de gratuit ce soir.

Certains qui ne voulaient pas revenir reviendront, parce que finalement…

Je cherche ce que révèle le fait-divers à chacun de nous et de nous tous.

LA PHRASE MYSTÈRE


Lundi 14 juin : LA PHRASE MYSTÈRE

Ça fait toujours son effet, au début d’un polar, où en entête d’un chapitre, ou au cours de l’intrigue, d’avoir des phrases un peu mystérieuses, du genre tirés de la bible, d’un épître mystérieux, d’un livre sacré, d’un philosophe ou d’u poète tortueux… y’a pas de raison que moi non plus… je…

« Que celui qui combat le monstre prenne garde à ne pas devenir lui-même le monstre,
à trop regarder dans l'abîme, il peut devenir lui même l'abîme.

ou dans une autre traduction :

« Qui combat avec des monstres pourrait faire attention de peur qu'il ne devienne de ce fait un monstre. Et si vous regardez fixement pour long dans un abîme, l'abîme regarde fixement également dans vous. »
Friedrich Nietzsche, « au-delà de bon et de mauvais »

Et ça,
trouvé dans lors de la visite de la maison de son père (mais non, Nicolas, tu n’as pas visité sa maison, elle a brûlé, et c’était il y a 10 ans… tu délires !)
Une phrase soulignée,
Dans l’Epitre à St-Paul :

« puisque je ne peux pas faire le bien que je veux faire
je fais le mal que je ne peux pas faire… »


ça donne, hein ?
bon, en fait, c’était dans une chambre sordide de la baie de Somme, sur un missel poisseux des Gédéons !

Tiens,
Aussi,
un poème, du grand Michaux :

« Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupète jusqu'à son drâle ;
Il le pratèle et le libuque et lui baruffle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.
L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerceau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille
Dans la marmite de son ventre est un grand secret
Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et vous regarde,
On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret. »
Henri Michaux, le Grand Combat

BIBLIOGRAPHIE


Choses lues,
Choses à lire
À voir
Écouter

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Sites

http://www.tueursenserie.org/

Un cas de tueur en Picardie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Barbeault
http://scenedecrime.blogs.com/scenedecrime/2007/10/laffaire-marcel.html

tueurs en série français :
http://www.tueurs-en-serie.fr/dossiers/tueurs-en-serie-francais/

les chroniques judiciaires du Monde :
http://prdchroniques.blog.lemonde.fr/

l’actualité du fait-divers en France :
http://www.lesfaitsdivers.com/

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À LIRE : ROMANS

Thomas Harris, Dragon Rouge, le silence des agneaux, Hannibal Lecter, 3 livres en poche, référence du genre sur un tueur en série devenu célèbre, adapté au cinéma

Le tueur sur la route : James Ellroy (autre chez d’œuvre du genre)

Truman Capotte, De Sang Froid, premier livre du genre enquête auto fiction sur un fait-divers, similitude avec mon enquête ?

American Psycho, Bret Easton Ellis ( fantasme ou réalité ?)

Mygalle de Thierry Jonquet ( un classique !)

Patrick Raynal, à lire car on a bien envie qu’il travaille avec nous, un classique du polar français

Nature Morte dans un Fossé, Paravidino ( théâtre – j’adore les pints de vues des personnages et en plus c’est un bon polar)

Un roi sans divertissement, Jean Giono ( l’écriture de Giono et une enquête)

L’adversaire, Emmanuel Carrère (sur l’affaire Jean-Claude Roman)

Joseph Conrad, « au cœur des ténèbres » (inspirateur d’Apocalypse Now)

Et aussi Cormac Mac Carthy, Fred Vargas, Bunker, Dennis Lehane, Brigitte Aubert…

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À LIRE : DOCUMENTS

Médiatisation et sur-médiatisation du phénomène des tueurs en série en France : un âge d'or du fait divers, 1980-2005, mémoire par Holiguine Blandine, université de Nice (vous pouvez le trouver sur internet)

Corrine Hermann : un tueur peut en cacher un autre (Criminologue reconnue d’un cabinet d’avocat, se trouve maintenant en poche, un peu parano la dame ? Ou syndrome du « voisin d’â côté est peut-être un tueur » ou réalité : les pervers sont parmi nous !)

Stéphane Bourgoin : le livre noir des serial killer (on dit que c’est LE spécialiste français, j'entends souvent qu'il est "critiqué" mais il est incontournable, à rencontrer bien sur, prochainement... et tient une librairie à Paris 9°, le 3° Œil)

Michel Sapanet, Chronique d’un médecin légiste (un médecin de Poitiers, ça se lit comme un épisode d’Urgence)

Le guide du polar, chez Points, 3 euros (pour les nuls)

Idées reçues : le polar, éditions le cavalier bleu (pour se remettre à niveau)

Denis Duclos, le complexe du Loup Garou ( la fascination de la violence dans la culture américaine), éditions La Découverte

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REGARDER :

Revue et expo Crime et Châtiment au Musée d’Orsay

Peintures de J. Bosch

Galerie de l’évolution, Paris, jardin des plantes


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À VOIR :

Psychose de Hitchock, (pour la construction du récit, l’ambiance, l’interprétation, la musique, le scénario…)

Le juge et l’assassin : Tavernier (un tueur en série frappe dans les campagnes)

Henry, portrait of a serial killer (film sur un vrai tueur, classique du genre, assez glauque quand même)

M Le Maudit de Fritz Lang (lui, il signe « M »)

« C’est arrivé près de chez vous » réalisé par Rémy Belvaux, André Bonzel en 1992, avec Benoît Poelvoorde ( ben là y’a de l’humour même si ça fait froid dans le dos)

« Natural Born Killers » réalisé par Oliver Stone en 1994 ( la bande son et le montage sont inspirants, peut-être… des films ou des livres ratés, c'est moins intimidant!!)

Fargo, des frères Cohen ( j’aimerais qu’on arrive à faire un truc aussi bien : ambiance, quotidien, humour, violence, société… et le tout l’air de rien)

Vidéo Corine Hermann :
http://centrefrance.kewego.fr/video/iLyROoafJ-gi.html

Emissions de « Faites entrez l’accusé » ( certes très fictionnel dans une certaine forme et voyeur aussi, , mais très bien documenté, avec des témoins de premier ordre, au moins pour voir le « décorum »)

Et aussi Haneke, Tarantino, Lynch…
Ect...
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À ÉCOUTER :


La Bande originale de Dead Man, de Jim Jarmush, par Neil Young, pour le côté road-movie du mythe américain, un peu comme tous les autres films d’ailleurs

BOF d’Easy Rider, de Dennis Hopper

BOF de Wild at Heart (Sailor et Lula) de David Lynch

BOF de Psychose ( Bernard Hermann, Hitchock)

BOF de Tarantino en général

BOF de Shadows de Cassavetes

Maria Callas

Bruce Sprinsgteen : the ghost of Tom Joad

Johnny Cash : American recordings

Et aussi tout ce qui va sur la route…

AUX ASSISES...


Vendredi 11 : AUX ASSISES

Actuellement, à la cour d’assisse d’Epinal, un médecin est jugé pour avoir drogué et violé 14 femmes durant leur état léthargique…
J’y vais pour y assister, mince! Le procès est à huis clos, comme souvent pour les viols… mais je retrouve ces notes prises lors d’une cour d’assises, il y a un an, à Beauvais.

L’ACCUSÉ.
À quoi il pense, l’accusé, la veille, dans le bus : « j’ai pas dormi, pas mangé, alors à quoi je pense, je peux pas vous dire, j’espère prouver mon innocence »

LE TIRAGE AU SORT DES JURÉS.
Le serment.
On prend place près de la juge.
Les jurés vont être jurés pendant plusieurs semaines.
La visite de la prison, la veille, par la présidente de la cour d’assise :
« On a une image de la prison qui n’est pas celle de la réalité, on a l’image des séries TV américaines
« Une prison, ça ressemble plus à un monument historique… ou préhistorique
« C’est bien de savoir où on envoi les gens et où ils risquent de passer une bonne partie de leur vie

UN TÉMOIN
« je m’étais mariée avec quelqu’un qui paraissait charmant, et puis le temps me l’a fait découvrir. »

PENDANT CE TEMPS LÀ, au café où il avait ses habitudes, ses anciens copains suivent l’affaire… depuis l’affaire Outreau, la justice passionne les médias et les français

UN AVOCAT COMMIS D’OFFICE, qui a hérité du dossier il y a deux mois, qui a peur, « c’est de la folie » dit le juge des parties civiles, il avait avant un avocat aussi commis d’office, qui ne s’est pas occupé du dossier pendant 4 ans et qui a été destitué du barreau.

REGRETS.
Qu’est ce qu’on peut savoir de ses regrets, on a l’impression qu’il ne se passe rien sur son visage, c’est comme dans la vie, mais ici c’est un concentré de la vie, on joue tout en quelques heures

UN JURÉ.
« j’avais devant moi un accusé qui n’avait pas le profil d’un criminel, ce sont des monsieur tout le monde, on se rend compte que ça peut arriver à n’importe qui. »

ACCUSATION.
Violence, femme et enfants battus, club échangistes, autostoppeuse qu’il baise dans la caravane en forçant sa femme et les enfants qui dorment à côté, les voisins qui ne disaient rien…

UN CHRONiQUEUR.
« Oui, une cour d’assise, ça m’intéresse, c’est pas du voyeurisme, ce qui m’intéresse c’est essayer de comprendre, y’a que des gens malheureux dans les cours d’assise, et pas seulement les victimes, je connais peu de meurtriers qui soient des gens heureux. »

LES PARENTS.
« On imagine tout, un accident de voiture, qqn qui l’a enlevé. »

LE CORPS.
10 jours de battus, on retrouve son corps mutilé à coups de haches, décapité, son corps abandonné sous un pylône électrique

UN GENDARME.
On peut pas tout expliquer aux parents.

LES PARENTS.
« On est pas préparé, on lit ça dans les journaux, on voit ça à la télé, on pense pas que ça peut vous arriver. »

UN PROFIL PSY
Il est égocentré, centré sur lui-même, il est instable, il veut tout, tout de suite, il ne vit qu’au présent.

UN JURÉ.
« Les détails, c’est sordide, on explique au millimètre près, là où la hache s’est enfoncé, ect. »

LA DOULEUR.
« De ressentir la peine, la douleur de mon frère, ça c’est insoutenable, et de ressentir la peine de ma mère, de mes parents, là aussi c’est insoutenable. »
« vous imaginer la douleur de votre enfant… »

LE PROCUREUR.
La veille, ils avaient regardé un film anglais, crime arnaque et botanique

UNE AVOCATE.
C’est archaïque que les jurés n’aient pas accès aux pièces du dossier, et de juger sur des impressions d’audience, c’est une arène où vous devez combattre pour convaincre.

LE FRÈRE.
Moi, je vois la justice comme la balance, pour combattre la barbarie mais rien ne pourra contrebalancer la mort de mon frère.

LA MÈRE.
Je ne crois qu’on puisse faire le deuil de son enfant, on peut faire le deuil d’un oncle, d’un grand père pas d’un enfant, on peut juste essayer de vivre un peu plus paisiblement

jeudi 14 mai 2009

l'élément déclencheur.



Mon nom à la télévision.

"Chaque homme aura sa minute de gloire." La phrase d’Andy Warhol se vérifie chaque jour, et chacun de nous pourrait y succomber un jour ou l’autre. Avoir son nom dans le journal, ou mieux, à la télé, vu et entendu par tous, c’est une tentation flatteuse.

J’avoue que faisant le métier que je fais, un métier du spectacle, ça fait partie du jeu.

Mais j’avoue aussi, que la première fois où j’ai entendu mon nom sur une grande chaîne de télévision, à une heure de grande écoute, ça m’a fait une sensation étrange.

J’étais en tournée, c’était l’automne, dans une petite ville du Nord de la France. C’était le soir, après la représentation. J’étais crevé, mais pas envie de dormir.

J’allume la télé.

23h00.

Y’avait une émission spéciale de « Faites entrez l’accusé » sur France 2, consacré à la Picardie. Bientôt, vous verrez qu’il y aura des guides du routard sur les meilleurs tueurs en série de votre région, les endroits où il a vécu, sur la route du monstre, ect.

« Faites entrez l’accusé », avec Christophe Ondelatte en blouson de cuir comme un chacal assoiffée de sensationnalisme : « Mais quand il vous a regardé dans les yeux, vous avez eu peur non ? Qu’est-ce qu’on ressent face à un tel monstre ? Aujourd’hui encore, vous n’êtes pas fasciné par cet homme ? »

C’est lui qui fait froid dans le dos avec ses questions et sa musique grandiloquente, dans son bureau façon pénombre de commissariat.

Je ne savais pas de qui il parlait.

En face de lui, une femme d’une quarantaine d’année, qui racontait des choses atroces avec un sourire désarmant. J’ai compris qu’elle avait échappé au tueur.

Elle dit son nom.

Bonneau !

Elle avait échappé à Bonneau.

Merde je me suis dit, qu’est ce que j’ai encore fait ? Manquerait plus qu’il s’appelle Nicolas et je vais me retrouver au mieux avec des lettres d’insultes dans la boîte aux lettres et pire avec les flics à ma porte dans 5 minutes.

Bonneau !

Jacques, Jacques Bonneau !

J’ai regardé l’émission.

Pas finot le Jacques, 9 victimes, 9 femmes autour de Beauvais, en Picardie.

Pourquoi est-ce que tous les tueurs en série sont en Picardie, ou dans L’Yonne ou dans les Ardennes ?

C’est le lendemain que j’ai eu l’idée.

Bonneau.

On a le même nom.

Ça serait marrant de faire un spectacle sur lui, sur Bonneau qui enquête sur Bonneau, le conteur sur les traces du tueur, partir en Picardie, errer de motels en motels, interroger des gens qui l’on connu, chercher les lieux où il a vécu…

C’est comme ça que ça a commencé.

Mais je ne savais pas à ce moment-là jusqu’où j’allais aller.

Ça ne peut pas être un hasard si je me suis lancé sur ses traces.

Impossible en tout cas, de raconter son histoire sans raconter la mienne.

Impossible en tout cas, de raconter mon histoire sans raconter la sienne…

dimanche 3 mai 2009

Journal du Road-Movie




1° jour en Picardie. Road-Movie.

Ça y est, pris la route.
Sur les traces de Jacques.
Je l’appelle déjà Jacques.
Comme un vieux copain.
Je me sens comme dans un film, je sais pas moi, Sailor et Lula, Thelma et Louise, Easy Rider, tous ces films américains ou les voitures dévorent les grands espaces…
Road Movie.
Western.
La musique qui va avec.
La liberté.
Fuir quelque chose.
Échapper à son destin.
Des rencontres hasardeuses, des motels, des sirènes de police.
Et au bout de la route, découvrir ce que l’on est vraiment…
Sauf que là, c’est la Picardie. J’aurais rêvé de la route 66 entre New-York et la Californie… non, ce sera la Picardie. Dommage.
À moi la pluie, les maisons en briques et les hôtels de bords de gare.
Je mets la musique à fond.
Je me sens heureux, libre !
On a les tueurs en série qu’on mérite !



2°jour en Picardie. Approche touristique

La Picardie est une région composée de 3 départements, L’Oise, l’Aisne, la Somme.
Parmi quelques repères situons la Baie de Somme et sa traversée annuelle dans la boue, la Cathédrale d’Amiens et son évêque d’Amiens, la ville fortifiée de Laon, le vase de Soissons immortalisé par Clovis, des lignes ferroviaires qui convergent vers Paris, une série télévisée dont l’Homme titre portait le nom, l’accent picard et un fromage très particulier, cousin du maroual et dont l’odeur suffirait à mettre une armée en déroute.
La Picardie, un endroit où l’on s’arrête rarement sans y être obligé.
Ça ressemble un peu au Nord, mais en plus vert.
Il y a des fermes en briques, avec leurs cours carrées repliées sur elles-mêmes, comme par crainte d’une menace venant de l’extérieur.
Faut dire qu’ici, coincée entre l’Île de France et la Belgique, les guerres sont souvent passées par là, notamment celle de 14 qui a aplani les terres et dont on retrouve encore des bombes enfouies dans les champs.
La légende dit que c’est pour cela que les gens d’ici n’aiment pas se projeter dans l’avenir, parce qu’ils sont habitués à ce que les guerres viennent toujours tout détruire.
Sans doute pour cela aussi, que c’est la région de France où l’on retrouve le plus se sites archéologiques.
La légende dit également qu’il y pleut plus qu’ailleurs, et que les tueurs en série y prospèrent durablement… mais ce n’est que la légende…



3°jour en Picardie. Hôtel face à la gare.

J’ai pris une chambre d’hôtel face à la gare. 55 € tout de même. C’est plutôt miteux, le lit est mou, la tapisserie verte ou orange, difficile à savoir et comme toute décoration, un tableau passé d’un clown triste avec une larme sur la joue. Charmant. Je voulais de l’exotisme, me voilà servi. Besoin d’une douche après une journée sur la route. Je m’engouffre dans la cabine étroite. Je me crois dans un bateau et quand je me sèche, je remarque des tâches marron sur la serviette (des tâches qui ne sont pas à moi, je précise). Et quand j’ouvre mon lit, je découvre des poils qui ne sont pas les miens non plus. Bon. Je renonce à vomir ou à m’énerver et appeler la réception. J’ouvre la fenêtre. Un train arrive, il est 23 heures,


4°jour en Picardie. Terrasse de café.

Il y a un rayon de soleil. Si, si… il y en a un !
Je sors sur la terrasse en sirotant mon café. J’aime le goût du café noir dans la bouche.
J’essaie de me mettre dans SA peau.
Moi qui ai toujours voulu être médecin.
Savoir ce qui a débloqué, comment ça a commencé.
Connaître son enfance, son éducation.
Je sens bien, qu’il y a quelque chose de trouble à vouloir penser comme lui, quelque chose de dangereux, comme si je m’aventurais à explorer des terres marécageuses, dangereuses comme une nuit sans lune, m’attendant à voir apparaître le démon …
Alors je regarde les femmes.
Ça je le fais assez naturellement, mais là, je les regarde en me mettant derrière ses yeux.
Quelles sont les femmes qui lui plaisent, que cherche-t-il en elle, leur âge, physique, couleur de cheveux ?
Je dois maintenant découvrir son mode opératoire, comment il choisissait les femmes, comment il les attirait, comment il leur faisait subir les tortures, comment il les faisait disparaître… Quelles sensations ressentait-il ?
Et pourquoi ?
Mais est ce qu’il y a un pourquoi ? où est-ce une chose intime, secrète, connue de lui seul ?


5° joue en Picardie. Ça fait causer.

Quand j’en parle autour de moi, de ce que je fais, cette enquête sur un tueur, les atrocités, les meurtres, je vois bien que les gens me regardent bizarrement. Comme si je faisais quelque chose d’interdit, comme si j’étais moi-même suspect de m’y intéresser. Et puis, après la surprise et le dégoût, il y a un silence. Et après, les gens donnent leur avis, leur opinion.
Des meurtres comme ceux de Jacques, les gens ça leur fait horreur et en même temps, ça les fait causer.


6°jour en Picardie. Les lieux de jacques B.

Aujourd’hui, je note sur une carte, tous les lieux que je connais de lui.
Je me fais un parcours, et j’y vais, je me lance.
En voiture.
Le tribunal de Beauvais.
La Gare d’où est parti le premier crime.
Sa maison d’habitation. Pas encore trouvée. Il faut que je fasse une enquête de voisinage.
Il y a aussi la maison de ses parents. Lieu des crimes. Elle est un peu plus loin. J’irais plus tard.
Voilà la maison d’arrêt où il a été emprisonné la première fois.
Le centre de détention où il vit depuis 18 ans.
Je m’y rends.
Il y a un parking sur la droite. J’arrête la voiture. Nous sommes au milieu de nulle part, dans une sorte de zone artisanale à l’écart d’Amiens.
Et là, pour la première fois, j’ai un drôle de frisson qui me fait sursauter d’effroi.
Pour la première fois, je réalise qu’il est là.
Vivant.
À quelques centaines de mètres de moi.
Je me rends compte que tout ça, qui me faisait plutôt rigoler, tout ça n’est pas un film, pas une fiction, toutes ces femmes sont mortes et Jacques Bonneau est dans cette prison depuis 18 ans.
Comment est-il physiquement ?
Vieilli forcément, les cheveux gris ? Est-ce qu’il a une conduite exemplaire, a t-il sombré dans la religion, quelle est sa vie au quotidien ?
Je note de penser à me procurer une photo de lui et à la prendre toujours sur moi pour bien m’en imprégner.
Je note aussi de rencontrer l’association des disparues de l’Oise, qui regroupe des parents de victimes de tueurs en série.
Et en gros caractère, je note ESSAYER DE RENCONTRE JACQUES BONNEAU AU PARLOIR…
Je note aussi : « Ça pue cette histoire, ça sent la mort, la folie, la peur… et pourtant, plus que tout, plus que la peur de ce que j’allais découvrir, j’éprouvais le désir de regarder Jacques Bonneau en face. »



7° jour. Le miroir

Je suis dans l’ascenseur de l’hôtel. La lumière s’éteint. Je me mets face au miroir. Je pense à lui. J’ai son image dans la tête. J’essaie de penser comme lui. Là, comme si je revenais de tuer et que j’allais retrouver ma femme, mes enfants. J’essaie d’être lui, de franchir une frontière inconnue. Il y a deux homme en toi Jacques. Celui qui aime et celui qui tue. Est-ce qu’il y a deux hommes en moi, celui qui aime et celui qui a envie de tuer, faire le mal, connaître ce que c’est que d’enlever la vie, faire mal, avoir le pouvoir sur quelqu’un, quelqu’un à sa merci ? La porte de l’ascenseur s’ouvre. La lumière revient. Une femme entre. Très jolie. Elle me dit bonsoir. Je décide de faire le dur. Je ne réponds pas. Et je la regarde méchamment. Et puis, je me mets à éclater de rire. Elle me regarde, l’air surpris.
— Qu’est que vous avez, elle demande ?
— Je suis désolé, mais je vous imaginais… enfin, je m’imaginais être un tueur en série et… enfin, c’est compliqué.
Elle me regarde.
Elle se met à rire.
Moi aussi.
Et quand la porte de l’ascenseur s’ouvre à nouveau, je l’invite même à prendre un verre dans le bar de l’hôtel. Elle dit oui. Je vois bien qu’elle n’a pas du tout peur. Au contraire, ça la fait rire mon histoire de tueur. Elle se moque gentiment de moi et me demande si c’est une technique de drague.
Il est tard.
Je remonte dans ma chambre.
Allongé sur mon lit, je me sens pas du tout dans la tête d’un tueur en série, mais alors pas du tout. Plutôt dans la peau d’un séducteur. Qu’est-ce que j’irais m’emmerder à tuer, violer des femmes alors que je peux les séduire !


8° jour. La fête des fous

Ce jour-là, je me retrouve en plein carnaval la fête des fous, dans une petite station balnéaire de la baie de Somme. Les gens chantent, rient, ils boivent, ils crient, s’autorisent tout un tas de choses qu’ils n’oseraient pas faire en dehors, comme grimper aux arbres et aux gouttières, s’habiller en costumes ridicules, interpeller tout le monde… je pense à la fête des fous, tout y est autorisé, les règles sociales sont suspendues, c’est un défouloir. Un moment de libération. Je pense à Jacques et je vis ses meurtres comme une transgression des interdits, des règles. Prendre la vie. Comme un acte de révolte, de liberté totale, qui brise les tabous de la mort… prendre la vie, c’est prendre le pouvoir, c’est se substituer à Dieu.


9° jour. CV

Je regarde de nouveau son parcours.
Rien dans sa biographie ne laissait présager de telles horreurs.
J’ai un parcours exemplaire d’un côté et de l’autre des descriptions de torture digne d’un barbare.


10°jour. Filature.

Aujourd’hui, j’ai fait une expérience, vers 17H00, j’ai choisi une fille qui sortait d’un train dans la gare de Beauvais. Et je l’ai suivi. D’abord dans la gare. Je me sentais pas très discret. D’ailleurs, au bout d’un moment, je crois qu’elle a remarqué mon regard trop appuyé. J’ai un peu la honte. Mais bon, c’est pour l’expérience. En même temps, je me marre. Je me sens comme un gros chat, qui cherche des souris. Un gros chat qui se construit son film dans son coin.
Dans le Relais H, elle s’achète une barre chocolatée.
Puis elle sort de la gare.
Elle tire sa valise derrière elle en mangeant sa barre chocolatée.
Je la suis. De loin. Discrètement.
S’agirait pas qu’elle appelle la police en disant qu’elle est suivi par un pervers, sinon, je vais avoir de quoi en expliquant aux flics que je m’entraîne à me mettre dans la peau d’un tueur en série pour faire un spectacle.
On marche depuis 10 minutes.
Tout se passe bien, elle ne s’est pas retournée et ne doit se douter de rien.
Elle sonne à une porte d’un immeuble. La porte s’ouvre. Elle pénètre à l’intérieur. Je regarde le nom où elle a sonné. Mathieu. Est-ce un homme, une femme, sa famille, chez elle ?
Bon.
Je décide d’attendre.
Il est 17h25.

vendredi 1 mai 2009

Photos sur la route...

Décharge où un corps fut retrouvé, en 1998...
Face à la gare de Beauvais...
Gare de St-Just les Fossés, ville où vivait Jacques B.
Motel en Picardie...

mercredi 15 avril 2009

2 articles sur Jacques B.

L’ogre de Picardie arrêté. (extrait)
Né à Beauvais en 1953, médécin généraliste dans l’Oise à St Just en Fossés, Jacques Bonneau était un notable reconnu et respecté. Marié, père de deux enfants, un garçon et une fille, il fut conseiller municipal et a fait ses études de médecine à Reims. Entre 1989 et 2001, on l’accuse d’avoir commis 7 meurtres de femmes, dans des circonstances particulièrement atroces. Avec un mode opératoire similaire, il repérait ses victimes aux abords des gares, ou parmi sa clientèle. Son métier de médecin lui permettait d’approcher facilement les jeunes femmes, dont certaines le connaissaient. Il opérait sur un territoire assez limité, un triangle autour de Beauvais. Soupçonné en 1998 par la police, suite à une dénonciation, il avait alors été innocenté, avant d’être arrêté le 15 avril dernier, en forêt de Compiègne près de la demeure familiale de ses parents. Sa mère est morte alors qu’il avait 11 ans et son père en 1987. Les premiers éléments de l’enquête tendent à montrer qu’il est conscient de ses actes. Le surnom d’Ogre de Picardie avait été donné à ce tueur fantôme, par l’association qui regroupait les familles des disparues, dont les corps n’ont jamais été retrouvé.
L’observateur de Beauvais. 17 avril 2001.


Les victimes du tueur de Picardie. (extrait)
On en sait aujourd’hui un peu plus sur les victimes de Jacques Bonneau. Toutes les femmes avaient des similitudes physiques semblables, notamment au niveau du visage, de la poitrine et de la couleur de cheveux. En effet, les enquêteurs ont noté de fortes similitudes entre les visages des victimes et le visage de la mère de Jacques Bonneau, décédé des suites d’un cancer du sein en 1964, alors qu’il avait 11 ans. Des femmes d’une trentaine d’années environ, cheveux châtain blond, à la forme de visage ovale. La police a retrouvé de nombreux ossements humains dans la chaudière de la maison familiale comme dans les restes d’un nid ou d’un ventre, ainsi qu’une découverte macabre, des seins découpés de femmes enfermés dans des bocaux de formol et posés sur des étagères dans la cave.
Le surnom de l’Ogre de Picardie ne pouvait se révéler plus juste.
L’association des disparues de l’Oise a d’ores et déjà annoncé qu’elle se portait partie civile dans l’enquête.
L’observateur de Beauvais. 21 avril 2001.

dimanche 12 avril 2009

Notes de travail d’après "Apocalypse Now" de FF Coppola


Sur les traces d'Apocalypse Now...

De FF Coppola, librement adapté de « au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad

 

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Ce n’était pas par hasard que je m’étais retrouvé lancé sur ses traces,

il n’est pas possible de raconter son histoire sans raconter la mienne

Et puisque son histoire est une confession,

Alors moi aussi...

 

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Chambre d’hôtel

Télévision

J’attendais quelque chose

J’entendais sa voix

« Je dois les tuer tous, les uns après les autres

ce sont eux qui tuent

comment doit on appeler ça

un assassin qui tue des assassins

je suis décidé à rendre justice moi-même »


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Pourquoi je restais scotché à lui

J’attendais une mission

HS

Alcool

Brise le miroir

Sang

Ensanglanté

On vient me chercher

Douche froide

Je hurle

 

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C’était avant un homme d’une humanité remarquable

Plein d’humour

Mais tout s’embrouille dans ce monde

Tout devient flou

Bizarre

(nous sommes dans un monde où la guerre règne, elle ne se voit plus comme avant, mais elle règne)

il peut alors paraître tentant de se prendre pour Dieu

il y a un conflit dans le cœur de chaque homme

l’irrationnel contre le rationnel

le bien contre le mal

il n’est pas sur que le bien triomphe.

La part de ténèbres,

chaque homme a son point de rupture

et il semble qu’il ai atteint le sien

et il est devenu fou à lier…

 

J’étais décider y mettre fin

par tous les moyens

c’était ça ma mission

 

J’ai d’abord cru que ce n’était pas le bon type

Son dossier

carrière impressionnante

peut-être trop parfaite

je ne croyais que c’était le même type que la voix à la télé

 

À la place du bateau, une voiture

je risque de morfler

pour apprendre qui on est, c’est mieux que de bosser dans une usine pourrie…

est-ce que j’étais prêt à aller jusqu’au bout ?


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vu son CV

il aurait pu devenir un homme important

mais il avait préféré devenir lui-même

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Il pleut

ici on dirait qu’il pleut toujours

 

Il disait :

« il y a deux hommes en toi

celui qui tue et celui qui aime

je ne sais pas si je suis un animal ou un Dieu »

Il était les deux à la fois.

« Être vivant, c’est tout ce qui compte.

il y deux hommes en vous, vous ne voyez pas ?

celui qui tue et celui qui aime… »

 

 

Une part de moi avait peur de ce que j’allais découvrir

mais j’éprouvais plus que tout

plus que la peur,

le désir de le voir en face.

 

Ça puait la mort lente

la folie

les cauchemars

j’étais bien arrivé au bout de la route…

 

 

lundi 16 mars 2009

l'atelier du spectateur


À l’occasion de cette création, Le Nombril du Monde et Nicolas Bonneau s’associent pour créer « L’atelier du spectateur ».Lors de 6 séances réparties sur un an et demi, 15 spectateurs sont invités à devenir les témoins privilégiés du processus de création d’un spectacle ; à chaque fois chez l’habitant, c’est-à-dire chez l’un ou l’autre des spectateurs, Nicolas Bonneau accompagnée de la metteur en scène Anne Marcel, présentera l’état de son travail, extraits, choses lues, idées à essayer… Il racontera ce que pourrait être son spectacle, le spectacle dont il rêve. Et les spectateurs écouteront, réagiront, questionneront, critiqueront, proposeront. Ils deviendront spectateurs privilégiés et actifs, jusqu’à la première du spectacle auquel ils auront apporté  leur petite pierre.

  • Si vous souhaitez participer à cette atelier, un petit courriel bien senti au Nombril du Monde et hop! hop! hop!
  • clotilde_gilles@nombril.com